les services de sécurité, les partis politiques, les politiciens, les associations, les citoyens…
On peut les résumer dans les récents propos d’un spécialiste propos émis lors d’une journée d’étude : «Le sujet (de dangerosité) est abordé dans les médias et dans la société de manière circonstancielle, en fonction d’informations rapidement et mal relayées, souvent source de confusion pour l’opinion publique…». Voilà, c’est dit ! Il s’étonne, par ailleurs, «de l’ampleur (sociologique et) médiatique prise par les thématiques de la dangerosité et du risque au cours de ces dernières décennies dans notre société ». On ne savait pas que tout «baignait dans l’huile».
Ce n’est pas la première «pierre jetée» à la presse et au journalisme quand il s’agit de médiatisation de phénomènes ; qu’ils soient politiques, économiques ou culturels ou cultuels ou sociaux. Ce ne sera pas la dernière. Encore heureux que cela se cantonne au «manque de formation», «à l’irresponsabilité sociale» ou au «niveau bas» des journalistes et qu’on n’y voit pas la «main de l’étranger» et le «complot ourdi par on ne sait quelle multinationale».
Concernant les violences faites aux enfants (violences débouchant la plupart du temps sur leur enlèvement, accompagné de viols et d’assassinat) par comparaison avec les autres formes de criminalité violente (atteinte aux biens et aux personnes avec usage de la violence, délinquance routière, etc.), le phénomène est certes, statistiquement, insignifiant et c’est un phénomène qui a toujours existé mais, malheureusement, semble-t-on dire, ils sont trop (et mal) médiatisés surtout depuis l’avènement des nouvelles chaînes de télévision au contenu populaire et populiste comme d’ailleurs certains journaux édités en Algérie, qui font dans le sensationnel et qui sont très bien «vendus» .
Il est certain qu’une violence faite à un enfant (qui porte en lui l’espoir et l’avenir du pays) est aussi, en plus du crime commis, une atteinte à un symbole fort du futur, donc plus grave que bien d’autres violences. C’est pour cela que la presse, malgré les dérives et les imperfections, reste un outil finalement utile et nécessaire (sous certaines conditions) au combat contre la criminalité et la violence faite aux enfants. Toute la presse, et la télévision plus que les autres médias. Car la télévision a une plus large audience. Elle pénètre dans les foyers. Elle touche toutes les couches de la population dont les jeunes et les enfants. Elle donne de l’information par images animées, ce qui lui confère un aspect de présence (ou de crédibilité), d’immédiateté, de réalité et d’authenticité que ne saurait donner la presse écrite, laquelle passe par la médiation des mots et des phrases, de la lecture, toujours malaisée dans un pays où l’illettrisme règne en grande proportion.
Au vu des études menées à travers le monde et depuis bien longtemps, les effets des contenus de la presse sont certains mais ces effets, s’ils sont parfois négatifs, ils sont, pour la plupart, positifs. On peut même dire que le sujet, à ce niveau, ne se discute plus.
Ce qui reste à débattre, c’est plutôt le rôle d’agents de prévention et de sensibilisation ou d’éveil ou de prise de conscience que devraient jouer la presse et le journaliste ou l’animateur d’émissions informatives ou culturelles ou scientifiques .
Il y a, d’abord, un postulat de base : La presse et les journalistes et autres animateurs des médias, ont la responsabilité prioritaire sinon la seule, celle de sensibiliser la société et les individus, à travers leurs missions traditionnelles d’informer et de distraire. Former ne relève pas de la presse, mais de l’Ecole. Eduquer relève de la famille et des parents. La presse vient en plus. Elle sensibilise. Elle aide à «briser les murs du silence» autour de problèmes sociétaux «tabouisés» ou «occultés» comme la violence familiale, les violences faites aux femmes et aux enfants, les violences et les harcèlements sexuels, les déviations sexuelles…
On peut, à ce niveau, aller dans le sens de la production de programmes d’information et d’animation éducatifs et formateurs et, en même temps, attractifs (qui doivent éviter les leçons de morale, civiques ou religieuses, austères, menaçantes, et rébarbatives qui ne sont entendues que par des personnes déjà convaincues et qui peuvent créer soit la psychose, soit la méfiance généralisée ou alors des «chasses aux sorcières»), tout particulièrement dans les chaînes généralistes (de radio et de télévision) et dans les journaux dits populaires Bien sûr, il leur faut éviter de tomber dans le sensationnalisme et la commercialité à tout prix (qui encouragent effectivement le voyeurisme) et il leur faut essayer de produire, toujours, des dossiers, des enquêtes ou des comptes-rendus ou des portraits bien documentés et respectueux des personnes (les victimes, leurs parents, leurs familles)… Il leur faut respecter la présomption d’innocence lorsqu’il y a des interpellations ou des suspects. En fait, il s’agit, pour tous, de tenir compte des textes législatifs existants mais pour les journalistes (et leurs patrons), le respect des règles connus d’éthique et de déontologie peuvent suffire amplement. C’est vrai qu’ici, il y a un problème de formation et de niveau de formation du journaliste
Ensuite, collaborer continuellement avec les services publics, les spécialistes habilités, les associations concernées, afin de mener des actions de prévention et de prise de conscience. Ici, il s’agit d’avoir le maximum d’informations et d’explications, pouvant aider à un meilleur traitement des problèmes…et, surtout, pour diffuser, en direction des publics cibles d’âges différents, les notions de psycho-sociologie de l’enfant et des adolescents, ainsi que les méthodes éducatives positives . L’écueil réside, ici, dans le niveau assez moyen des animateurs d’associations, malgré leur bonne volonté et leur engagement, et l’absence de documentation solide et exploitable
Enfin, il y a une condition parallèle pour que ces actions puissent avoir un minimum de succès. Tout en constatant que les services de sécurité ont fait et font de très gros efforts pour donner le maximum d’informations statistiques et techniques à la presse…il reste que les magistrats concernés restent, me semble-t-il, encore assez «fermés» à l’information publique (externe), dès la constatation des «crimes» ou des «violences». En tout cas, il n’y a pas assez de rapidité ou, alors, il y a prudence, trop de prudence, une prudence évasive, laissant ainsi place aux supputations, et aux conclusions rapides et souvent inexactes des citoyens, de plus en plus avides d’infos et des journalistes toujours obnubilés par les «heures de bouclage»… C’est, tout là, le grand problème du pays et de nos services publics, problème que l’on n’est pas encore arrivé à résoudre malgré les séminaires et les rencontres ; celui de la (mauvaise ou insuffisante ou tardive) communication institutionnelle. Celle-ci doit être totalement re-pensée par les émetteurs institutionnels qui doivent comprendre définitivement que la presse et les journalistes d’aujourd’hui ne sont plus ceux d’hier. Il y a, aujourd’hui, près de 350 journaux dont plus de 120 quotidiens (plus de la moitié en arabe et le reste en français) plus de 5 000 journalistes, près de 800 journalistes dans les régions, plus de 50 radios locales, près d’une demi-douzaine de télés «algériennes» , des dizaines de sites électroniques et des centaines sinon des milliers de blogs qui utilisent les réseaux sociaux…tout cela dans un contexte économique de concurrence presque sauvage pour gagner ou garder des lecteurs et des auditeurs et pour capter la publicité …le nombre de consommateurs étant un facteur d’attractivité de la publicité. Les journaux obéissent aux lignes éditoriales déterminés par leurs «patrons» (publics et privés) et de ce fait, chaque titre a sa propre tendance. Seules, les techniques professionnelles de base et les règles d’éthique et de déontologie de la profession sont communes quand elles sont connues et/ou respectées
Que faire ? :
-Pour ce qui concerne les services de sécurité : Il faudrait fournir, bien sûr, périodiquement, des données mais en se cantonnant, dans la concertation, à l’essentiel pour ne pas créer une inflation de données qui pourrait contribuer à rendre le paysage difficilement «lisible» et encore plus angoissant ou stressant.
-Pour ce qui concerne la justice, il s’agit de vite et bien communiquer, afin de ne plus laisser des vides informatifs, vides qui entraînent le journaliste à pratiquer le politique du «râteau» et à «donner» du n’importe quoi sous la pression de la concurrence médiatique. Peut-être créer une filière com’ judiciaire dans le cursus de formation des magistrats et des avocats.
-Pour ce qui concerne la presse, il s’agit d’aller, au niveau des rédactions, vers la spécialisation. Il ne s’agit plus de confier les rubriques concernées à n’importe qui, mais à des journalistes qui connaissent le droit, entre autres, mais aussi, les sciences sociales comme la socio’ et la psycho’. Encore que le rôle premier du journaliste, est de donner de l’Information d’abord, l’explication venant ensuite, mais pas obligatoirement.
Par ailleurs, l’utilisation du fameux numéro vert ne suffisant pas, il faudrait intégrer la presse, dont la télé et les radios, au «système d’alerte» en cours d’élaboration…et placer même cette action comme obligation dans les (actuels et futurs) cahiers des charges de service public
-Enfin, pour ce qui concerne les trois, il faudrait multiplier les contacts (conférences, clubs de la presse, portes ouvertes.), qui permettent de mieux connaître les mécanismes et les rouages des différents métiers et les «psychologies» des magistrats, des journalistes et des policiers.
29 juillet 2013
Belkacem AHCENE DJABALLAH