J’aime ma ville autant que je la fuis. Etranges sensations, cocktail de paradoxes et de mémoires. Je contemple la montagne au loin. Perché haut sur ce balcon, je regarde Santa Cruz. J’écoute les oiseaux qui chantent le béton, en se révoltant contre l’infernal vrombissement des autos. Ça klaxonne à tue-tête, à tue-temps. Quelque part, je respire la ville dans les arrière-cours bariolées de tags, tag aala mène tag, sur les escaliers qui ont perdu leurs rampes, et des enfants qui rampent pour grimper les étages.
Il y a trois étages dans ma ville. Les caves. Les immeubles. Les terrasses.
Les caves, autrefois parties communes, sont devenues propriétés privées. Elles sont habitées par des familles étrangères, au départ, à l’immeuble, mais qui, avec le temps, ont les mêmes droits que les copropriétaires mais pas les mêmes devoirs. Même si aucun occupant de caves n’a pas de papiers, aucune autorité ne peut le déloger.
Les immeubles, le deuxième étage de la ville, est occupé par des habitants, qui n’arrêtent pas de fixer serrure sur serrure. De renforcer les portes et portails. D’installer des barreaudages sur chaque fenêtre ou balcon. Ils s’amusent à se mettre en prison. Prison pour la vie.
Les terrasses, le troisième étage de la ville, est au fait un ensemble de bidonvilles, qui défie toutes les lois de l’architecture. On construit, sans structure, le nombre de chambres selon le nombre d’enfants à naître et à marier…, à inscrire sur les listes électorales.
25 juillet 2013
El-Guellil