Comment ? Confusément. L’Algérie en guerre, c’est un équilibre interne qui se brise : avec une armée qui va ressortir de ses casernes et une nouvelle guerre à mener, c’est la légitimité des anciens qui va devenir caduque et démodée et donc la génération des anciens, le pouvoir des anciens et la manière des anciens. Une nouvelle guerre active, c’est un retour à la primauté du militaire sur le civil et la montée d’une nouvelle génération de prétendants à la propriété de l’Algérie et au tutorat sur le pays. L’armée algérienne pourra ne pas accepter la facture de la diplomatie assise actuelle et ses amateurismes coûteux. Cette nouvelle guerre, on n’aurait pas pu l’éviter peut-être, mais on aurait pu ne pas la subir de cette manière. On se souviendra que les nôtres ont longtemps fanfaronné leur position non négociable et hyper-nationaliste, avant d’aboutir à l’ouverture sans condition de l’espace aérien algérien, sans même daigner en informer le peuple de service, et en transitant par des stratégies de communication qui s’apparentent à du karkabou insonore face à l’aisance d’un Laurent Fabius. Sans canaux d’expression (l’ENTV étant toujours une chaîne privée), c’est sur Facebook et le net que les Algériens s’expriment et laissent éclater leur colère. Et c’est sur le net que les Algériens parlent de cette ironie du sort qui voit Bouteflika subir au lieu de mériter encore une fois le pseudonyme du Malien.
Donc l’Algérie est en guerre. Que va-t-elle faire ? Engager ses troupes ? Parler d’incidents au lieu de confrontations ? Nous expliquer au moins ce que certains font avec notre pays et dans notre dos ? Daigner nous parler nous les serfs de leurs féodalités ?
Curieusement, et peut-être avec la même naïveté, Bouteflika traite la question des islamistes du Sahel comme Chadli a traité la question du Fis : avec trop de confiance, de passivité et de démission intime et d’utopisme quant à la possibilité de négocier. Et avec les mêmes principes creux et la même quête de soutien de Mitterrand et de sa bénédiction. A l’époque de Chadli, cela lui avait coûté son poste et une décennie de guerre pour l’Algérie. L’armée y est revenue en force dans « le politique » et le pays s’est fait la guerre. De même aujourd’hui ? Une crise 92 en 2012 mais la wilaya 50, le Sahel ? On verra. On payera. On saura.
25 juillet 2013
Kamel Daoud