Ensuite le Sud va mal, parce qu’on l’a oublié. Dans la guerre des wilayas, celle des clans, celle de Oujda contre les Aurès ou celle des militaires contre les civils ou des debout contre les assis, on a oublié le Sud. Victime d’un régionalisme réel et pas prétendu. Il suffit de comparer ce qu’on a investi comme équipements et budgets au Nord par rapport au Sud. On peut justifier cela par la densité de population, mais cela ne se justifie pas depuis 50 ans d’indépendance et d’oubli.
Ensuite le Sud va mal à cause de sa gestion par le folklore néocolonial: c’est une réserve, un sac à main, une étendue, un contrat «thé contre pétrole», pas le centre du pays, sa vraie capitale, son centre de gravité. Il est géré comme «réserve» et on ne comprend pas ses prétentions à la décentralisation ou à l’autonomie. L’Etat jacobin le réduit à une projection du Nord.
Ensuite le Sud n’a été «redécouvert» comme urgence nationale qu’après la guerre au Mali et El-Qaïda près des puits. Cela fausse un peu les approches et rend douteuses les demandes locales et les approches du Nord. Cela n’a pas démarré sur la base de la confiance mais de la peur ou de la méfiance ou de la colère. Cette même colère que les gens du Sud ont exprimée avec insistance à Daho ould Kablia récemment.
Enfin le Sud attire le Nord. Les zones pétrolières ont fini par attirer les foules des chômeurs du Nord qui veulent en vivre. Tout ce qui va mal au Nord comme «insertion» bascule vers le Sud, l’assiège par des populations qui veulent leur part de la rente. Les chômeurs du Sud sont du Sud mais viennent aussi du Nord, disent les autochtones. La rente provoque un effet d’appel. Autant parce qu’elle est mal distribuée que parce que le pays ne sait faire d’autre que de boire son pétrole ou se corrompre avec. Le Sud va être déstabilisé par les populations du Nord qui y tournent en rond désormais. Y sont nés autant les exclus de la rente, ses parasites, ses féodaux, ses «colons» que ses colonisés.
Après cinquante ans à verrouiller le Nord, à se le disputer, à le dépecer, se l’arracher et à le prendre pour le nombril de notre monde, on découvre que c’est au Sud que cela se passe. On découvre que l’on n’a pas de solution sauf celle de la distribution alimentaire et de la vassalisation de chefs de tribus.
24 juillet 2013
Kamel Daoud