Ils me demandent de me faire connaître. D’écrire à visage découvert. C’est pourtant mon cœur qui est ouvert. Non, on veut savoir qui se cache derrière ce pseudo. Je leur rappelle donc ce que, il y a des ans, j’avais écrit. El Guellil est entrepreneur sans permis de construire.
Il ne possède ni lot ni «lauto». Il n’a même pas de permis de conduire. Il ne sait véhiculer que des sentiments. Modestement soit dit. Il accélère, il est vrai, quand la muse est au rendez-vous. Son seul embrayage, c’est la ponctuation. Il freine, installant un point final, toute expression qui peut choquer ou titiller les susceptibilités. Il est vrai qu’il lui arrive de s’engager sur des virages tantôt dangereux, agréables parfois, sans mettre en danger sa seule passagère permanente, sa liberté, qui l’accompagne dans ses voyages «coups de gueule». Il ne conduit que son couffin au sog de la rue des Aurès, ex-la Bastille, quand la mercuriale se fait clémente. C’est un chauffeur clandestin. Il gare aux abords des mots simples, refusant le vocabulaire en smoking qui tente de récupérer une société qui le fuit. Société de travailleurs pour un «sal-air» qui pollue l’atmosphère chaque fin de mois. Quand il faut payer toutes les redevances et donner le masrouf à leurs bonnes femmes qu’on n’appelle plus ménagères tant c’est de l’équilibrisme budgétaire qu’elles font. Acrobatie perpétuelle. Il gare aux côtés des enfants qui n’ont de vacances que la vacance des rues le soir pour rêver à une éventuelle «hedda». Son vocabulaire côtoie les jeunes diplômés-chômeurs. On ne les appelle plus, d’ailleurs, diplômés. On les surnomme les «dipômés». Le «L» a disparu, leurs études n’étant plus des ailes qui permettent l’envol dans la vie active. Son mot côtoie «mossiba», celle qui n’arrête pas de s’abattre sur nos têtes. Il gare son verbe pour essayer de comprendre, autrement, le silence des jeunes en se demandant si c’est le langage lui-même qui leur fait défaut depuis qu’on a appelé leur discours spontané, «chahut de gamins».
Depuis, le besoin de partage, le bonheur de donner sans calcul subsistent en lui. Comme un gène mystérieux, qu’il cultive quotidiennement. Que la joie l’éclaire, que le spleen le ronge, qu’il pleuve ou qu’il vente dans sa tête plus fort qu’au cœur d’une tempête. Et dans sa mémoire resplendissent les sourires, coulent les larmes de tous ceux que ses mots arrêtent un instant.
24 juillet 2013
El-Guellil