Donc hier, c’était une journée particulière : les uns fêtaient le pétrole, d’autres le réclamaient, d’autres en profitaient et d’autres attendaient leur tour pour le manger ou le voler ou le prendre de force. On s’imagine un peu un 24 février utopique, genre fin du monde ou jugement dernier : dans la même enceinte, les milliers de marcheurs encerclant Sellal qui lui-même fait partie du cercle qui encercle Bouteflika.
Les milliers de chômeurs encerclés par des centaines de Belmokhtar, encerclés par des milliers de militaires eux-mêmes encerclés par l’OTAN, le Qatar, l’ONU et l’Occident qui encercle tous. Et c’est ce qui rend cette fête particulière cette année : les cercles se resserrent les uns sur les autres. On ne sait plus qui y gagne ou qui y perd. Et donc il y a urgence. On ne peut pas défendre le puits sans le peuple. Et on ne peut pas convaincre le peuple sans ouvrir le puits, au regard et au contrôle de tous.
A la fin ? La question de la justice sociale en Algérie ne peut pas se contenter d’une logique de distribution de la rente. Il y manque la légitimité : celle du politique, de la richesse et de la fortune. Tant qu’un joueur de derbouka peut devenir un homme d’Etat, un chômeur a le droit de demander à être P-DG de Sonatrach. Un Rappel ? Ahmed Mahsas vient de mourir. Que Dieu ait son âme. La légitimité par l’histoire en arrive à son terme et à sa place n’émerge aucune autre légitimité consensuelle et acceptée par tous : ni celle des hommes d’affaires, ni celle des élites, ni celle de la lutte syndicale, ni celle de l’armée. Le chaos. Fêtons donc la nationalisation ou la privatisation des hydrocarbures pendant qu’il est encore temps. Dans quelque temps, il ne nous restera que des photos de ces moments, peut-être.
24 juillet 2013
Kamel Daoud