« L’unité nationale». C’est le nouveau slogan. La politique du moment. A lire et relire les comptes rendus de la rencontre entre les notables et des gens du Sud avec le Premier ministre Sellal. C’est plus important que tout ce qui se passe et se dit au Nord.
Le centre de gravité de l’Algérie n’est pas l’avenir de Saïdani mais celui d’Illizi, et comment Illizi voit la géographie et l’histoire nationale. Car, désormais, c’est un couple en crise. Le Nord et le Sud. «Aimer, pour deux êtres, c’est ne faire qu’un seul. Oui, mais lequel ?» a dit Bernard Shaw l’Anglais. Le Nord dit : «On est semblable, on s’aime et on est un». Le Sud dit désormais : «C’est maintenant que tu t’en souviens ?» Le Nord dit : «L’unité nationale est menacée». Le Sud dit : «Oui, et l’unité, c’est ta poche ou ton pain». Le Nord dit : «On ne peut pas tous travailler à Sonatrach, cela demande des formations pointues». Le Sud dit : «Oui, comme celle de Saïdani». Le Nord dit : «Il y a complot contre le pays et sa souveraineté». Le Sud dit désormais : «Oui, la main étrangère ou la main locale. C’est toujours une main qui me fait les poches». Le Nord dit : «Je vous écoute». Le Sud dit : «Oui, depuis que Belmokhtar parle». Le Nord dit : «On est tous Algériens». Le Sud dit désormais : «Oui, mais encore plus quand on remonte vers le Nord». Le Nord dit : «Je vous ai compris». Le Sud dit : «Combien tu m’aimes ?»
Qu’est-ce qui se passe ? La même chose que pour le Nord et pour les mêmes raisons. Les Algériens d’Illizi feront payer au régime la menace internationale. Comme le Nord lui a fait payer la menace d’un printemps «arabe». Puisqu’on ne peut pas espérer le mieux par la paix, on va l’arracher par la force. Cette fois, le Sud se réveille et se retrouve en position de force. Le régime va payer. Il en a les moyens puisque les moyens sont les puits du Sud. A bien regarder, le débat est certes sur le régionalisme, mais il est aussi algérien que l’Algérie : ce régime ne paye bien que ses neveux ou ceux qui le menacent. Comme écrit par Chawki Amari, le régime partage équitablement la matraque, la gestion policière, l’injustice et l’illégitimité. Il assure l’unité. Contre lui. Et les gens du Sud l’ont compris. Belmokhtar et la crise au Mali leur assurent ce que leurs députés, leurs chefs ou leurs nationalité et l’indépendance ne leur garantissent pas : parler et être écoutés.
Par autre chose que le désert.
24 juillet 2013
Kamel Daoud