Se faire libaniser: être divisé par une guerre civile qui en arrive à émietter le pays en guerre de quartiers et de communautés, de voisins de palier puis de proches parents.
Se faire saddamiser: être envahi à cause de son pétrole et de sa grande gueule, être colonisé pour se faire démocratiser puis être découvert dans un trou à Tikritt. C’est aussi en forme directe: saddamiser, c’est mentir pour envahir. Dire que l’ennemi a des armes de destruction massive puis dire que je me suis trompé.
Se faire maliser: c’est être coupé en deux par des islamistes au nord et des incompétents au sud. Se faire maliser est aussi synonyme de se faire soudaniser: se faire couper en deux par l’international, cette fois. Maliser a aussi le sens d’aller en guerre chez les autres, faute de pouvoir mener bataille chez soi. C’est le cas de l’actuel Français François Hollande. Cela peut signifier aussi «encercler», attaquer, entreprendre ou feindre.
Etre algérianisé ? C’est perdre justement la nationalité algérienne et prendre celle d’une guerre civile pour cause d’interruption de processus électoral. Le pays «algérianisé» est un pays où on observe généralement une guerre civile avec la formule classique de «éradicateurs» contre réconciliateurs avec djihadistes contre tous. A le sens de «mauvaise passe», de blocage à grande échelle, d’isolement et de quarantaine. Peu usité après le 11 septembre 2001.
Moubarakiser: finir comme Moubarak. L’une des trois formules de sortie d’un dictateur «arabe»: être lynché (Kadhafi), fuir (benaliser) ou s’allonger sur une civière. Se faire moubarakiser, c’est se faire allonger sur une civière et être jugé sans fin et mourir sans fin aussi.
Benaliser: verbe inventé par les Tunisiens pour parler de la fuite de Ben Ali. Ils ont aussi inventé «se faire trabelsiser» les cheveux. Allusion à l’épouse coiffeuse devenue reine.
La syrianisation: mot synonyme de ventriloquie. Un pays meurt mais n’arrête pas de parler, de tuer et d’agir. La raison, il est «habité» par d’autres puissances occultes qui le «possèdent» au sens de possession diabolique. Se faire syrianiser, c’est ne plus avoir aucune volonté propre, être soutenu biologiquement par un être vivant parasite tiers, se décomposer mais ne pas tomber. Un peu comme les morts-vivants. Cela vient évidemment de Syrie: ce pays n’existe plus, son président est mort mais il continue de parler avec la voix du ministre des AE russe ou le président de l’Iran.
Afghaniser: se dit de sa femme. L’enterrer vivante à Tora-Bora, la voiler avec du métal, la frapper, la dépecer, lui faire manger des bombes. Lui couper la main puis lui demander de serrer la sienne.
Se faire otaniser: c’est être envahi pour son bien. Etre tué pour le bien de tous. Etre défendu contre soi-même et ses propres armes. Etre empêché de se massacrer. Se faire prendre en charge. S’emploie pour fécondation in-vitro et avec la même polémique: est-ce éthique ou pas ?
Se faire togoliser ? C’est partir en Afrique du Sud au nom de l’Afrique du Nord, comme l’équipe algérienne de foot, et perdre le match, perdre l’envie de revenir au pays, perdre l’envie d’avoir un pays, l’envie de vivre et l’envie de se rhabiller ou d’avoir un ballon ou un drapeau. Aucun lien avec le Togo ou seulement avec onze Togolais.
Se bahreiniser: servir du jus d’orange frais dans les prisons, et des coups de feu dans la rue. Se faire sous-traiter sa souveraineté par une puissance voisine comme l’Arabie Saoudite et être le pays exact de l’angle mort des révolutions «arabes». Signifie être invisible médiatiquement.
Se saheliser: devenir un désert vaste et monothéiste. Saheliser un touriste occidental veut dire le kidnapper puis le revendre ou le tuer s’il coûte trop à l’élevage. C’est manger les pays voisins pour faire grossir le sien. On sahelise un pays en détruisant ses mausolées, en coupant ses routes et ses têtes et ses mains et en le déclarant soumis à la chariâ et aux vents de sable. Signifie aussi remonter le temps. Synonyme indirect de maliser. Ou son antonyme.
24 juillet 2013
Kamel Daoud