L’Algérie est-elle une dictature ? C’est la question que se posent beaucoup de gens qui, parfois, s’intéressent au pays et à sa façon de se gouverner. Le régime jure que non et montre les journaux algériens, les rues algériennes et les élections algériennes. Des opposants jurent que oui et montrent les traces des matraques sur leurs dos,
les refus d’agréments, l’ENTV et les clips de bourrage d’urnes et les parages du DRS. Le peuple, lui, hésite : ni oui ni non, tant qu’on donne pain et logements. A la fin ? On ne sait pas. Prenons un exemple : les présidents algériens. Ils finissent mal, morts ou en mode silencieux. On est loin, très loin des mandats égyptiens de 25 ans ou ceux du double en Libye. On n’a pas de présidents à vie -et même si le dernier tente le coup-, on peut frauder avec des taux mais pas avec les rides et les limites de la biologie. Sauf qu’il y a un détail : les mandats à vie, les élections truquées, les candidats uniques, les «familles» et les fils uniques ne sont pas le propre de nos présidents mais de leurs subalternes, proches et hauts gradés. C’est le seul pays, par exemple, où le ministre de l’Education a eu un mandat plus long que celui du président en poste. Les dictatures ont cette seconde vie en déclinaisons et produits dérivés chez nous qui restent à analyser. D’autres exemples ? Celui du président de la FAF algérienne. Quand Raouraoua s’est présenté aux dernières élections de la Fédération du foot algérien, il l’a fait en véritable Bokassa ou en colonel libyen : personne n’a osé se présenter contre lui, même en guise de lièvre ou de poupées gonflables. L’empereur a même expliqué que s’il se présente, c’est parce que personne n’en est capable. Un mot que l’on peut mettre dans la bouche de Ben Ali, autrefois, ou de n’importe quel dictateur venu au monde pour sauver le monde par sa venue. Un immense aveu de dictateur, un «discours d’un Roi». L’homme est grand, venu des ténèbres, ayant gravi les échelons à force d’intelligence et de sauts périlleux. Un véritable Saddam avec une enfance triste, une jeunesse laborieuse et puis une Présidence à vie.
Car en Algérie, il existe des présidents à vie mais pas à la présidence. Ils sont dans une caserne, une fédération, un ministère ou deux. Les déclinaisons de la présidence à vie en Algérie sont nombreuses et discrètes. La loi va limiter les mandats d’un président, mais les autres échappent à la loi, la fabrique, l’impose. Raouraoua en est un exemple, entre autres, de la dictature algérienne aménagée : ce n’est pas Moubarak qui est éternel mais ses alliés, ses subalternes, ses produits secondaires. On peut être, par exemple, conseiller à la présidence algérienne pendant trente ans alors que le Président n’est à la tête de l’Etat que depuis 12 ans. A la fin, une dictature des seconds rôles. Là où on s’y attend le moins. Une sorte de bénalisme avec un Ben Ali en CDD.
«Je me présente parce que personne d’autre n’en est capable». Phrase à l’origine du mal et de l’histoire. L’Empereur Raouraoua l’avait dit, vécu et prouvé. Il est président à vie et la seule question qui se pose maintenant, c’est : a-t-il un fils ? ou deux ?
23 juillet 2013
Kamel Daoud