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Travail/Salaire/Ma part : les convictions des nouvelles générations algériennes par Kamel Daoud

22 juillet 2013

Kamel Daoud

Un ami raconte : «… A l’époque, nous avions, moi et mon frère acheté deux bus pour faire dans le transport de voyageurs. Nous avions recruté un chauffeur et un receveur. On leur payait les repas, le salaire et d’autres frais. Quelques mois après, on a vendu les bus car les charges bancaires étaient devenues trop lourdes. Le lendemain de la vente, le chauffeur et le receveur sont venus frapper chez nous pour demander leurs parts. De quoi ? Leurs parts de l’argent des bus vendus. On avait beau leur expliquer qu’ils étaient salariés et avaient été payé. Pour eux, ils avaient droit à une part dans le capital. «C’est avec nous que vous avez fait fortune» nous répétaient-ils. Que dire alors ?». Et l’histoire n’est pas particulière : elle se généralise. Beaucoup d’hommes d’affaires et de chefs d’entreprises vous parleront de ce rapport difficile et surréaliste qu’ils ont avec la main d’œuvre algérienne. Les élites algériennes, dans les médias, n’en parlent pas beaucoup, car la tradition de «gauche» veut rester sur la vision primaire du peuple victime et du patron voleur. On y oublie, en public du moins, ce socialisme des mentalités et cette culture du «droit» sur la fortune que développent les algériens désormais.

Les raisons ? Le socialisme, puis le populisme et l’exclusion. Les algériens sont certes victimes du régime mais ils le sont aussi d’eux-mêmes. L’idée de l’accès à la fortune par l’effort est désormais détruite par l’évidence de l’accès au Pouvoir par la fraude. C’est le régime qui a développé la mécanique de la rente à la place de celle du salaire. Puis l’idée du salaire qui n’a pas besoin d’un emploi. Puis l’idée de l’emploi qui n’est pas un travail. La fortune est donc illégitime et cela pousse à penser que chacun y a droit puisqu’elle n’est pas issue du droit mais de la puissance et de la force ou de la ruse.

Aujourd’hui, cette mentalité du «je prends donc je suis» est généralisée. Dès 2011 on a jeté les base du néo-populisme présent : l’argent et devenu gratuit, Bouteflika effaçait les dettes selon ses humeurs comme s’il s’agissait de son argent, les soutiens publics étaient des équations politiques et des calculs de paix sociale et la corruption devenait généralisée et officialisée avec les derniers scandales au plus haut niveau et l’accès au salaire était sur la base de la force ou du sang ou de la puissance. De quoi détruire pour des décennies l’idée du travail, de la fortune qui doit être légitime. De quoi détruite les deux fondements d’un pays qui aspire à avoir un avenir : le travail et la sécurité de la propriété. A la fin, il ne faut pas crier à la menace et au complot quand des chômeurs en viennent à marcher sur Alger. Tout est parti de ce verdict de l’illégitime de la fortune qu’on a encouragé et incarné tellement que maintenant cela touche même le privé et pas seulement le public. Les algériens estiment qu’ils ont droit à leur «part», dans le puits et dans vos bus et votre entreprise.

Puisque la fortune est issue du vol, que le pouvoir est un gang, que le pays est à tous et que personne n’est légitime, tout est permis et chacun est propriétaire du tout. Ceux qui ne le sont pas encore le voudront par la force.

On retrouve cette mentalité dans la tête du chroniqueur, chez un ministre voleur ou chez un chômeur non qualifié et qui ne veut pas apprendre un métier ou ne le peut pas.

Et on continue : le Pouvoir va continuer à donner de l’argent gratuitement et à céder par logique de menace ou de répression et à gérer le pays comme une distribution. De quoi faire rire sur les promesses faites pour des champions d’industrie algérienne, d’élites de la PME/PMI, de relance et de création d’emploi. On ne peut pas devenir la Corée du sud avec des idées de «droit» au butin et avec des gouvernements qui ne savent que mettre la main à la poche ou à la poche d’autrui. Cercle fermé : la marche du sud est perçue comme une menace politique alors que c’est aussi un produit «économique». Tant que le régime continue de fonctionner comme un gang, le peuple continuera de penser comme un coupeur de route. Sans issue ni pour l’un, ni pour l’autre.

Cette certitude du droit sur la fortune des autres se lit aujourd’hui dans le regard fixe et terrible des jeunes générations du pays du «bras».

NB : ce billet n’est pas pour parler (directement) de ce qui se passe au sud, mais de ce qui se passe partout dans le pays, surtout.

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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