La peine de mort, les intérêts sur crédits bancaires, les aliments, les marques déposées, le débat politique, l’opposition, l’engament, les habits, tous cela est ramené doucement dans le giron de ces «Savants» descendus du ciel, nouveaux centres de l’autorité, de la décision ou du décret. Cela s’observe dans le reste du monde «arabe» et en Algérie aussi : la loi qui recule face à l’autorité et la puissance régalienne de la fatwa. Et à peuple bigot, il faut donc des journaux bigots et des donneurs de fatwa : d’où cette course à la visibilité médiatique de certains cheikhs algériens, des ulémas, du conseil ou des survivants du FIS, pour se prononcer et discourir sur tout ce qui ne les concerne pas : votre femme, votre tricot de peau, votre avis dans votre tête et votre vision du monde. On s’enferme dans le duel commode Régime/Opposition alors que dans le dos du couple éternel monte en puissance une sorte de clergé qui s’autonomise, s’arroge des droits et se proclame comme une gouvernance immaculée.
En face, un régime qui fait dans la réaction et le don du tardif, et des élites progressistes surveillées, liées, ligotées et en mode silence par peur des stigmatisations, par culpabilité linguistique étrange, par démission fataliste, par ghettoïsation, par manque de visibilité. Et pendant ce temps, les «Savants» prennent du Pouvoir et s’intronisent.
Et ce nouveau lobby a même ses manières : des noms orientalisés (Cheikh Farkous, Son imminence El Cheikh el Miki etc), des légitimités guerrières post-FIS (avec l’affreux borgne donneur de leçon) ou «nationales» post 90 et des imitations de Cheikhs Saoudites ou azharites (dont echourouk fait la promotion). Sans parler du clergé institutionnel de Ghoulam Allah and Cie. Tout un peuple élu qui refuse de se lever national, prend des libertés que la liberté n’a pas dans ce pays, parle avec suffisance et intervient pour décider selon la conception religieuse de la démocratie : élitiste, de caste et sans urnes. Et c’est le tragique d’un pays quand ses lois deviennent ses fatwas, ses docteurs sont ceux de la religion et pas de l’astronomie et de la médecine et ses savants sont ceux des ablutions. Nous y sommes donc et à fond : les débats de la nation ne sont pas discutés dans les aires de la modernité ni dans les institutions élues et payées, mais dans les mosquées et par des Cheikhs que personne n’a élu ni choisi : ni nous, ni Dieu, ni la loterie.
C’est donc un nouveau clan: des descendants du FIS, des descendants de Ben Badis, des imitateurs d’égyptiens. Cela se voit dans les villages, à la télé et pour débattre de la peine de mort. Un véritable moyen-âge en promesse qui promet des époques où on verra Ould Kablia s’agenouiller et se flageller pour faire pénitence et demander pardon à des papes barbus condescendants. Dieu sauvez nous de ceux qui parlent à votre place !
21 juillet 2013
Kamel Daoud