Jour 12, mois 321, année de l’os mou. Rien de neuf depuis le retour de Bouteflika. Le pays est lent et l’oisiveté est la seconde religion après l’Islam. A tel point que des gendarmes, selon des habitants, on fini par s’occuper à filmer un café ouvert le jour pour fournir la preuve de l’infraction à la charia par des non jeûneurs. Cela s’est passé dans le village de Tifra, commune de Tigzirt, Tizi Ouzou. Le parfait cocktail habituel: une région proclamée comme impie et que l’on veut enflammer chaque été, le Ramadan version obligatoire et la confusion des lois en Algérie. D’ailleurs cela mène à la question de fond : est-ce que l’Algérie est un émirat islamiste, une république centraliste ou une démocratie contrôlée ? L’esprit de la loi n’est pas clair. On ne sait pas qui a gagné après la guerre de l’indépendance (La France ou l’Algérie puisqu’à la fin on se soigne en France ?). Et on ne sait pas qui a gagné après la guerre des années 90 (le FIS ou la république puisque «manger» le Ramadan est une infraction ?).
D’ailleurs cela se sent pour ceux qui observent : l’islamisation de la société ne touche pas que le peuple assis, les civil, les oisifs, les chômeurs ou les convaincus. Puisque l’armée est née du peuple avant d’être son père et sa mère, elle aussi (et d’autres corps et institutions) est touchée par le conservatisme ambiant, rampant et bigot. La fracture entre anciens officiers et nouveaux officiers croyants fervents est nette pour ceux qui les fréquentent. Et la majorité démographique est pour les conservateurs, pas pour les autres. C’est cela qu’il faut regarder et analyser au plus vite pour définir les frontières entre armée de Dieu et armée nationale dans quelques décennies. Exagéré ? Non.
L’esprit de la loi devient flou avec le temps et cela se voit dans la tête du policier ou du gendarme qui ne sait plus aujourd’hui faire la différence entre faire respecter la loi ou le précepte moralisateur. Pourchasser le couple ou le voleur de couples. L’impie ou le criminel. Pour reprendre Addi Houari, le référent est de plus en plus trouble entre le crime et le péché. Et c’est ce qui étonne certains (sans étonner d’autres) dans ce genre de fixation sur les non-jeûneurs en Algérie depuis quelques années. Cela nourri la théorie du complot/manipulation, surtout après les panneaux salafistes dans la Kabylie. Ou la théorie du Grand Malade qui impose sa peur de la mort et donc son bigotisme à la nation et ses institutions. Ou la théorie de l’oisiveté qui est mère du vice qui voit le vice chez les autres.
Ou la théorie de l’afghanisation en douce de l’Algérie. Selon Addi d’ailleurs (article visible sur son nouveau blog), le jeu est clair dans le partage des champs de pouvoir : le régime garde la main sur la rente et la puissance et abandonne aux islamistes la société, les mœurs, la culture et les codes. Il en naîtra un équilibre visible dans le reste du monde « arabe » bâti sur l’immoralisme politique, allié stratégique du moralisme de la société.
Sans cette théorie de ruse, on ne peut pas comprendre ce que gagne un régime à pourchasser cycliquement des non-jeûneurs et à en faire une infraction. Le bon peuple en devient pieux, soumis et immobile et le régime encore plus féodal, plus rentier et plus fermé et élitiste. Le Pakistan en somme : des élites gouvernantes endogènes et des peuplades fanatisées à l’extrême avec une armée puissante qui assure le mariage contre nature et la sous-traitance régionale.
Revenons à nos chaussures : c’est le jour 12. L’oisiveté est mère du vice qui est le père du pire. Et ainsi de suite
21 juillet 2013
Kamel Daoud