Où est la solution quand on n’a que le choix entre des régimes durs et assassins jusqu’à la caricature et des Califats de débiles, coupeurs de mains et préhistoriques jusqu’au crime ? Où est la solution quand se soumettre, c’est abdiquer et se révolter, c’est être poussé à se trahir ou se faire maquer par les fous d’Allah ? Aujourd’hui, Bachar le sanguinaire doit bien se réjouir : il a «Qaïdisé» la rébellion et se retrouve être presque béni dans son rôle de barrage contre l’afghanisation de son pays à lui, son frère, sa mère et son oncle. C’était le but depuis le début : en radicalisant la répression, on radicalise la protestation. Et à la fin, cela coince l’espoir entre le fatalisme ou la méfiance envers le mot «liberté». Comme si on prenait un Algérien en 1957 sur la lune et qu’on le fait voyager dans le temps et que de Gaulle lui montre des images des massacres des années 90, des photos de Belkhadem et Saïdani à la tête du FLN, et des trottoirs mal faits, puis lui pose la question : «Veux-tu vraiment rejoindre le FLN, mourir et chasser la France ?»
Pourquoi en parler aujourd’hui et en quoi cela nous concerne toutefois ? C’est parce que le cas de la Syrie est directement lié à la question collective du 4e mandat de Bouteflika. La Syrie (et la propagande ENTV qui s’est rangée du côté des Assad) pousse les Algériens à détester les révolutions qui mènent à Kaboul et pas à Genève. Mais la soumission et la résignation sont difficiles aussi. Le choix se pose entre accepter le pays des Khelil et Cie ou le pays de Mokhtar Belmokhtar comme émir national à El-Mouradia. C’est-à-dire accepter une sorte de stabilité recroquevillée, fragile, frémissante de peur et effarouchée, ou une révolte dure, tueuse et surréaliste ? C’est-à-dire accepter que Bouteflika se présente encore parce qu’il garantit la stabilité au détriment de la liberté et de l’honnêteté, ou se soulever pour demander son départ, notre argent, ses comptes et nos droits, et plonger le pays dans le chaos possible ou préfabriqué ? Le régime qui vole l’argent et l’espoir, ou le taliban qui vole la vie et l’envie de vivre ? Le régime algérien a lentement, profondément et professionnellement travaillé la peur de la majorité. Et Al-Qaïda a fait le reste un peu partout, en polluant les envies d’être libre et le courage de se le demander par le cri et le slogan. Aujourd’hui, on est coincé entre assassins et voleurs donc. Il faut encore creuser pour trouver des idéologies et des convictions alternatives à la soumission aux Dieux ou aux dictateurs. Cela se fait et se voit en Egypte et Tunisie malgré les échecs. Certains se battent encore contre les voleurs de «printemps» et les nouvelles dictatures ou les prédations internationales.
Et pour le régime local pour le moment ? Du sucre bénit : si Bachar tombe et que Zawahiri gagne, Boutefklika sera reconduit pour éviter ça chez nous. Et si Bachar ne tombe pas, Bouteflika se reconduit aussi parce que cela confirme que les dictatures peuvent survivre et sont «meilleures» et moins pires que les talibans. L’Effet syrien sur le cas algérien est plus profond qu’on ne le croit. Le plus troublant est que l’expérience du régime algérien a aussi ses effets profonds (et ses influences de réseaux) sur le régime syrien, mais on ne le dit pas.
21 juillet 2013
Kamel Daoud