L’éthique des TIC par Moncef Wafi

L’Algérie n’est pas contente. Et elle le fait savoir. L’Algérie n’est pas d’accord sur son classement des pays en matière de technologie de l’information et de Technologie. Déjà qu’elle est classée parmi les derniers en terme de liberté d’expression et des libertés individuelles, mais parmi les premiers dans la corruption, voilà maintenant qu’elle se retrouve dans les profondeurs d’un classement mondial « injuste », montrée du doigt pour son incapacité à gérer son cyber à cause d’une connexion défectueuse. Honte à vous monde civilisé ! que toutes les kasemates du pays se lèvent et dénoncent cette énième agression de l’ennemi de l’extérieur, que tous les imams prient pour le salut de notre réseau, que tous les comités de soutien marchent pour un deuxième mandat ministériel. Cette attaque qui ne dit pas son nom a pour seul but d’entacher l’image d’un pays qui progresse à pas de géant dans ce monde brutal des TIC, qui a démocratisé l’Internet, qui le distille à débit modéré pour ne pas choquer les âmes sensibles et qui s’ingénie à instaurer la 3G pour que vive plus heureux son peuple. En affirmant que l’Algérie est à la traîne et en insinuant sournoisement que cela est fait exprès, on est en droit de demander réparation. La question doit être traitée en session parlementaire extraordinaire, quitte à déranger nos vaillants députés dans leur sieste, et le ministre doit venir s’expliquer à la télévision et dénoncer énergiquement ce complot impérialo-sioniste qui vise à ternir les avancées technologiques du pays. Il doit exhiber à la face du monde les factures « salées » d’une connexion Internet hautement sophistiquée, des fiches de réalisation pour l’introduction d’Internet dans les administrations publiques, dans les universités et chez les particuliers. Des tables-rondes explicatives, des tribunes dénonciatrices, des prêches appelant au djihad électronique doivent être tenus pour exhorter le peuple algérien de ne pas prendre pour argent comptant ces attaques extérieures. Des témoins, jeunes, vieux, hommes et femmes doivent se présenter spontanément pour témoigner de ce qu’est Internet chez nous. Pour condamner ces informations circulant sur la mauvaise connexion, le débit moribond et les coupures fréquentes du réseau. Dire haut et fort qu’une connexion 512 kbps est une rumeur, une propagande de la main étrangère et qu’aucune chaîne humaine ne se forme devant les agences Actel pour réclamation. Des déclarations sur l’honneur doivent être signées dans les mairies les plus proches pour désavouer son frère ou son voisin qui affirme qu’il faut trois quarts d’heure pour que la page de garde de Yahoo ne s’affiche sous le ciel clément de la République.

Internet est chez nous ce qu’est la corruption en Suède ou ce qu’est la démocratie en Arabie saoudite. En ces heures sombres, il est plus que temps de faire bloc et tous à nos claviers pour dénoncer sur la Toile ces abominations. Bien sûr pour peu que la connexion soit bonne !