Donc, c’est lente procession, tête basse : les vétérans vont s’accompagner l’un l’autre au cimetière pendant que nous regardons. A la fin, le dernier jettera un dernier regard puis s’en ira. Et ensuite ? On ne sait pas. Cette génération a laissé une idée malsaine derrière elle : nous sommes tous égaux, sauf ceux qui ont libéré ce pays. Donc, après eux, personne ne peut gouverner personne puisque tout le monde peut gouverner tout le monde. On va se battre et le plus fort sera le plus légitime, et ainsi de suite jusqu’au dernier. Encore une fois. La sortie n’est donc pas très honorable pour cette génération : elle n’a pas réussi à construire un pays qui survivra aux armes de guerres et aux cadavres de la paix. Elle a donné un mauvais exemplaire, s’est mal comportée à table et face à l’histoire. Elle n’a pas enfanté du mieux, mais du pire. Elle a été cupide, dure, méfiante, égoïste et terne vers ses fins. La gloire a été au début, pas à la fin et aujourd’hui elle s’en va en nous laissant un pays faible, corrompu, mal géré, sans ressources humaines, ni but dans la vie ni savoir-faire à vendre au reste de l’humanité.
Le mot persiste dans la tête : Mal-vacant. Espace clos, avec des routes, des écoles, des enseignants, pas de cireurs de chaussures, avec des hôpitaux et de l’argent gratuit, mais gâté, sans destin, fourbe, cupide et crétinisé par des au-delà et les mauvaises manières et cernés par les prédations nationales et internationales.
19 juillet 2013
Kamel Daoud