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Quand Mehdi dit… par Rachid Brahmi

18 juillet 2013

Contributions

En ce mois de jeûne, certains mangent, se goinfrent, d’abord avec des yeux d’effervescence, menés par le bout du nez, par la fragrance de la pitance, batifolant sur les finances. Quand, méconnaissant l’abstinence, la conscience en état de vacance, ils pensent avec la panse, balancent une part de bouffetance, Lui aime vaguer et divaguer, ramadhan ou pas, à longueur d’année, de journées. Sauf le dimanche, premier jour de la semaine algérienne.

Et lui c’est Mehdi. Mehdi la suspension. La géométrie. La divagation. L’étincelle de folie qui, de midi à midi, cherche désespérément un fusible, pour établir un courant entre ceux qui se court-circuitent entre eux. Lui, le gus à l’âge inconnu. L’ingénu aux idées biscornues. J’ai un siècle et des bourgeons enlaidis, dit Mehdi, ignorant l’année où il est né, même s’il a appris l’arithmétique. Mais il a horreur des calculs, ceux qui sont faux. Considérant qu’il meurt plusieurs fois, Mehdi peut clamser chaque jour, au moins une fois. Quand il lui arrive d’avoir un fruit, offrant la moitié à autrui, à un enfant de préférence, gardant l’autre moitié pour lui, et l’épluchure dans sa poche, il attend de croiser une poubelle, la dénicher.

Quand il vague, Mehdi divague. Les six jours de la semaine : lundi, mercredi, samedi, vendredi, jeudi et mardi. Sauf le dimanche. Cherchant un sculpteur, pour dessiner des sourires dans les cœurs, Mehdi dit que les pierres disent ou pleurent, tout comme l’herbe ou les fleurs. Comme la terre ou le sol peuvent gémir. C’est pour cela qu’il marche sur la pointe des pieds, sans souliers. Pas même une sandale légère, été comme hiver. Pour cela, quand Mehdi s’assoit sur la prairie, il n’arrache pas l’herbe, ne s’affaisse pas de tout son poids sur le sol qui sourit. Il aurait aimé être suspendu dans les airs, pour ne pas faire pleurer l’herbe, gémir la terre. Mehdi la suspension.

Marchant souvent à reculons, pour ne pas voir devant, il ne regarde pas non plus vers l’arrière ; baissant les yeux vers le sol, ou mieux, fixant le soleil ou les étoiles. Sinon, il se cache le visage avec ses bras, quand il a mal aux yeux, ou est pris de tournis. Il arrive très souvent à Mehdi d’avoir des insomnies, car on pense qu’il pense à l’ infini. Et quand il arrive à dormir, il se réveille en sursaut, ayant rêvé qu’il tombe ou qu’il ne marche plus à reculons. Ensuite il est aux anges, ce n’était qu’un rêve ou un cauchemar ; puisque dans le réel, il marche à reculons. Et en biais. Donc enjoué, car il a du temps pour roupiller. Et au réveil, il écoute souvent des musiques joyeuses, puisqu’on pense qu’il n’est jamais triste. Mais quand il écoute des airs tristes, on dit de Mehdi qu’il est encore plus joyeux.

Bien qu’il sache compter, il dit qu’il préfère la géométrie. Pas l’analyse, car ça lui rappelle la Santé et les maladies. Donc Mehdi préfère la géométrie, si elle n’est pas variable. Mehdi fait toujours ses dessins et ses démonstrations spatio-temporaires, avec un bout de calcaire en l’air, jamais sur les murs. Un morceau de calcaire blanc, celui qui réagit instantanément aux acides sulfuriques. Effervescent. Il aime la géométrie Mehdi. Dessiner la parabole dont l’équation et la forme sont connues des lycéens. Une parabole ? Oui, cette figure qui ressemble à un bol de H’rira, vu en coupe. Enfin, un bol avec ou sans cette soupe, mais un bol quand même.

Et si on veut que Mehdi écrive, il demande une cigarette, une blonde de préférence, ou un p’tit sourire bienveillant, ou un ‘bip’ complice. Mais jamais un morceau de tarte ou un bonbon, car même frêle qu’il est, il fait attention à sa ligne. Et puis il les laisse aux enfants, les bonbons. Et si on veut que Mehdi écrive, il demande un papier noir, et un stylo qui écrit blanc. Il aime écrire blanc sur noir. Pas de verbes ou d’adjectifs, que des noms. Parfois des mots de maux. Des noms, propres ou figurés, propres ou sales. Il a horreur des points, personne ne sait pourquoi. Mais Mehdi n’a rien contre les virgules d’exclamation, les points suspendus. Pour la suspension, Mehdi qui se déplace donc à reculons, adore ce jeu de saute-mouton, sans sauter par-dessus un partenaire ou un mouton ; mais en l’air et sans appui. Un régal, cette suspension. Mehdi qui regrette aussi qu’un mouton n’a pas forcément la géométrie d’un mouton. Parlant d’animaux, Mehdi ignore si le mulet a oublié qu’il est mulet. Il sait par contre que le mulet peut se prendre pour un lion, mais que celui-ci s’en bat les flancs de penser à la question.

Si on insiste pour lui demander son âge, Mehdi la confusion, le cherche en lorgnant la lune, quand elle est visible et pleine, sinon il vous répond qu’il faut la lui ramener. Et quand la lune est là, il devient lunatique. Mehdi dit aussi qu’il cherche depuis longtemps des lorgnons, pour les myopes du cœur ou de la raison, ou une jardinière, pour arroser les roses des quatre saisons. Mehdi la divagation, celui qui arpente les rues et l’extérieur des maisons. Sauf le dimanche. Mehdi dit que la vie est parfois drôle, un peu folle, quand des trucs qu’on voit n’existent pas. Ou des machins qu’on ne voit pas, et que ça existe. Et c’est vrai, puisque Mehdi le dit avec son bout de calcaire et ses arguments aériens, une langue et un langage que tout le monde comprend bien, y compris les muets, les sourds, et les sourds-muets, à l’exception des aveugles du cœur ou de la raison.

Et pour ceux qui n’ont pas compris, des exemples il en fournit, ce sacré Mehdi. Pour ce qui est des machins qu’on voit, que ça n’existe pas, Mehdi cite l’exemple de la lumière qui vient de la lune, si le ciel est dégagé. C’est beau à voir ; on dirait qu’elle illumine. Pourtant la lune n’éclaire pas, c’est prouvé. Car la lune ne fait que refléter l’éclat du soleil. C’est comme ça, elle vient du soleil la lumière. Pour les trucs invisibles qui existent, Mehdi prend l’exemple de certains gaz, tel l’hydrogène qu’on ne voit pas. Nous pouvons nous en rendre compte en approchant de celui-ci une étincelle. Et boum ça explose ! Et Mehdi sait aussi qu’il y a des gaz, et que ça ne pète pas. Sournois, certains sont invisibles, mais détectables au nez fin. Ils peuvent être visibles, si on les colore. Il y a aussi des gaz aromatiques. C’est ainsi.

Et il est ainsi Mehdi, du lundi au samedi. Sauf le dimanche. Car «dimanche‘’ ne finit pas, comme le nom à Mehdi, ou les six autres jours de la semaine, par un ‘di’, mais par un ‘manche’. Pourra-t-il être contredit, Mehdi, pour tout ce qu’il a dit ? Que nenni ! Puisque tous l’auront compris.

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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