Comme depuis que je suis né.
Sauf que cette fois, l’amplitude du rite sonnait comme faux. Comme risible. Comme un peu forcée et presque comique. Le rite et ses stèles et ministres du temps, ont été célébrés pendant que Bouteflika et les siens se soignent en Occident (accusé de complot ourdi) et en France l’ancien colonisateur. Malgré les réserves que l’on s’impose, l’on ne peut ne pas penser à cette moquerie : on continue ici de travailler les jeunes générations sur la légitimité révolutionnaire et le droit de cuissage au nom de la guerre de libération, et on va se faire soigner là-bas, en France justement, en Suisse pour Sidi Saïd et en Espagne pour l’autre. Sauver sa peau et sa vie est légitime et le chroniqueur l’aurait peut-être fait. Sauf qu’il s’agit là d’une génération qui continue de nous assommer avec sa biographie dorée et qui continue de traire la vache du mythe révolutionnaire et de la décolonisation. En plus cru et en plus simple, on continue de nous servir cette soupe froide et avec le même mensonge que celui de «nos ancêtres les Gaulois» remplacé par «notre ancêtre le FLN». La guerre de libération, les sacrifices de ceux qui sont morts et qui y ont connu la souffrance est une histoire qui est la nôtre, profondément, fièrement et légitimement. Mais cette histoire été transformée en légitimité et la légitimité en propagande et la propagande en quelque chose de détestable que l’on nous force à écouter pour mieux nous tromper. Et c’est cette tromperie parfois comique qu’il faut encore et encore dénoncer.
L’histoire d’un pays, son identité, ses racines et sa présence au monde ne peuvent pas se construire sur l’exclusivité d’une seule génération, sur les actes d’un parti encore unique et sur le souvenir d’une seule guerre et sur la gloire d’une seule génération. Cela est fatiguant et pousse à partir ou à s’enfermer. L’histoire de l’Algérie est plus grande que la biographie d’une seule génération et que l’on cesse donc de nous obliger au remerciement et à la reconnaissance éternelle. On est arrivé à vomir cette version.
Et cela devient même monstrueux cette propagande à usage d’indigènes quand, dans les moments de crise, c’est à l’Occident que l’on pense pour sauver sa peau, son argent et ses enfants. Combien de temps faut-il encore attendre pour décoloniser des décolonisateurs, leurs discours, leurs propagandes, leurs rapacités et leurs violences ? Jusqu’à quand cette génération va nous obliger à l’applaudir au lieu de célébrer nos ancêtres dans le calme, la paix et l’acceptation ?
13 juillet 2013
El-Guellil, Kamel Daoud