Ce n’est pas parce que l’Algérie d’en haut à un crédit illimité à vie qu’il faut empêcher les Algériens d’en bas de profiter des quelques miettes promotionnelles qu’on lui offre à chaque vision de la lune. Au lieu de s’inquiéter de ce qui ne tourne pas rond dans le secteur des télécommunications, de nous donner une explication rationnelle sur notre classement des pays les plus mal connectés, de nous dire pourquoi, jusqu’à aujourd’hui, la 3G n’a pas encore été mise en place alors qu’elle est opérationnelle dans le pays où le faucon noir s’est cassé la tronche et qu’on parle maintenant de la 4G pour faire comme les Français, on veut limiter les minutes gratuites offertes par les opérateurs de la téléphonie mobile. L’ARPT, l’Autorité de Régulation de la Poste et des Télécommunications, s’arroge un droit de regard sur les offres promotionnelles et sur leur durée sous prétexte de «protéger le consommateur». Ah bon ! Désolé, mais on ignorait qu’on s’intéressait au bien-être de nos cadavres ambulants. Alors où résiderait le mal si le chômeur, d’Alger à Illizi, de Maghnia à Reggane pouvait téléphoner gratos à sa petite copine virtuelle tout le temps qu’il faudrait. Pourquoi interdire aux Algériens de basse caste de prétendre, rien que pour quelques moments, à la vie de ceux qui le regardent d’en haut, qui peuvent téléphoner autant d’heures que ça leur chante puisqu’ils ne payent pas, eux. Juste un instant, un seul instant être dans la peau de celui qui rappelle parce que l’Etat lui a «flexy» cent milliards d’unités. Pour ne plus biper comme un désespéré en attendant qu’on le rappelle. Alors pourquoi l’Algérien qui n’a qu’un prénom doit toujours payer les conséquences pour ne pas encombrer les lignes ? C’est comme le crédit à la consommation qui a permis aux Algériens rampants de se payer une bagnole familiale chez le concessionnaire du coin. Une voiture que des centaines de milliers de petits fonctionnaires n’auraient jamais pu payer s’ils n’étaient pas passés par le crédit automobile et que l’Etat, dans sa sagesse infinie, a dégommé parce que, parait-il, l’Algérie se faisait rouler. Du coup, pour retrouver un semblant de maturité économique on interdit tout bonnement à l’Algérien d’acheter un quatre roues pour faire plus d’économie de vies sur la route. Une logique sur le dos d’un peuple qui, fatigué, s’est assis sur les trottoirs défoncés de la République à attendre la prochaine émeute. Cette attitude toute républicaine propre à notre pays de se défausser, à chaque goulot, sur les petites gens a de quoi exaspérer les plus patients qui n’arrivent pas à comprendre pourquoi ils sont toujours les premiers à trinquer. Pas plus tard que le début de semaine, Djoudi, le ministre des Finances, a tiré la sonnette d’alarme, se rappelant que le monde extérieur vit en pleine récession et que par conséquent il ne faut plus espérer d’augmentations salariales. Rien que ça, il a vite fait de trouver la solution en pointant du doigt le fonctionnaire «budgétivore» lui suggérant à l’oreille d’oublier une quelconque revendication salariale alors que les «sudistes» bouillonnent. Comme si le mal de l’Algérie réside dans une revalorisation des salaires alors que des milliards en dinars, en euros et en dollars sont gaspillés chaque année avec la bénédiction de ces mêmes gens qui, aujourd’hui, nous donnent des leçons de patriotisme. Une mosquée à plus d’un milliard d’euros, des budgets faramineux pour des festivals creux qui n’intéressent personne sauf ceux qui en bouffent, des projets bidons pour se faire du fric à l’œil et avoir un téléphone pour pérorer toute la journée et une corruption à grande échelle en toute impunité. Alors au lieu d’invectiver le peuple qui veut simplement avoir un peu plus de crédits pour raconter sa misère, il faudrait un grand coup de kärcher pour nettoyer le pays de tous ces vautours qui n’arrêtent pas de se repaître de notre cadavre décomposé.
10 juillet 2013
Moncef Wafi