A la fin ? Le pauvre ministre Mohammed Saïd (Saïd veut dire heureux et surtout bienheureux), sans pouvoir ni puissance, a fait obtenir ce que l’on voulait éviter : à l’Algérienne : le dossier de la santé de Bouteflika, jusque-là une affaire tiède est devenu une affaire d’Etat, une affaire internationale, un «secret». Et au lieu de consacrer l’idée que tout cela se passe bien, on a obtenu celle «tout va mal puisqu’on cherche à cacher quelque chose puisqu’on censure les journaux». Censurer un journal pour taire une maladie ou pas, est démodé depuis trois décennies dans le monde. Il reste à peine deux ou trois pays qui le font ou peuvent le faire de cette manière brutale.
On aurait pu en rester là, mais il fallait au «policier dans la tête» faire plus pour plaire à l’illustre : dépôt de plainte contre Hichem Aboud pour «« atteinte à la sécurité de l’Etat, à l’unité nationale et à la stabilité et au bon fonctionnement des institutions ». Enormissime ! Même les grands chefs du Gia ne sont pas inculpés de ces charges. Disproportionné (et donc aveu de panique et de rage) dans un pays où le régime parle avec mollesse des grands dossiers de corruption et avec indulgence de ses ex-ministres soupçonnés des pires larcins du siècle.
Le chef d’inculpation est gigantesque, maladroit, stalinien : ce qui déstabilise l’Etat, l’unité nationale et porte atteinte au pays et à ses entrailles on le connait tous : celui qui vole et celui qui a vidé ce pays des institutions, hommes et bonnes volontés et même de l’envie de vivre ou d’y vivre.
La chose est d’autant plus énorme que les articles n’ont pas été publiés et que donc le délit n’existe pas ! En quoi deux papiers que personne n’a lu, qui n’ont pas été édité, portent atteinte à la sûreté de l’Etat ? Comment cela se peut-il ? comment fait-on pour juger d’un crime qui n’a pas été commis ?
Ayant donc géré la communication comme Cheb Mami a géré sa carrière et ayant créé le mystère autour du cas Bouteflika, les auteurs doivent trouver une sortie honorable et démentir les faits par des faits. Car il ne s’agit pas d’un homme mais de notre pays. On ne gère plus la santé d’un président de la République comme en décembre 78. Il faut faire un effort de sincérité et de courage. On peut aussi attenter à la dignité de l’Etat quand c’est le Quai D’Orsay qui nous «informe» que Bouteflika est encore à Paris. C’est une humiliation.
A la fin ? Deux questions : La débilité en communication est telle une maladie algérienne ? Est-elle soignable au Val-de-Grâce ?
7 juillet 2013
Kamel Daoud