Il y avait une fois dans la forêt un petit arbre couvert de feuilles aiguës. « Ah ! disait-il un jour, mes voisins sont heureux. Ils ont des feuilles qu’on se plait à voir. Les miennes sont comme des aiguilles. Personne n’ose m’approcher. Je voudrais être plus favorisé encore que mes voisins. Je voudrais avoir… des feuilles d’or. »
La nuit vient ; le petit arbre s’assoupit, et le lendemain matin il est transformé. « Quel bonheur, s’écrie-t-il, me voilà couvert d’or ! Pas un autre arbre de la forêt n’a un vêtement pareil. »
Mais à l’approche de la nuit arrive un vieux, avec de longues mains sèches, une grande barbe et un grand sac. Il jette autour de lui un regard craintif, et voyant que personne ne l’observe, détache les feuilles d’or, les met dans son sac et s’enfuit.
« Ah ! dit le petit arbre, je regrette ces belles feuilles qui reluisaient au soleil. Mais des feuilles de verre pourraient être aussi brillantes. Je voudrais avoir des feuilles de verre. »
Le soir, il s’endort, et le lendemain matin il est de nouveau transformé. A tous ses rameaux se balancent des feuilles de verre.
« Ah ! dit-il, voilà une jolie parure. Mes voisins n’en ont pas une pareille. »
Mais des nuages noirs s’amassent dans le ciel, le vent se lève, l’orage éclate, et toutes les feuilles de verre sont brisées.
« Hélas ! murmure en soupirant le vaniteux petit arbre, il est bien élégant ce feuillage que j’ambitionnais, mais bien fragile. Mieux vaudrait un vêtement de bonnes feuilles vertes parfumées. »
Le soir, le petit arbre s’endort, et le lendemain matin il est vêtu comme il l’a désiré. Mais l’odeur de ces feuilles fraîches attire les chèvres, qui viennent les ronger, et, en se dressant sur leurs pattes arrière, elles rongent jusqu’à la cime du petit arbre, et le laissent entièrement nu.
Alors il reconnut la folie de ses orgueilleux désirs. Il regrette, en s’endormant le soir, ses premières feuilles, et le lendemain matin se réjouit de les voir reparaître sur ses rameaux.
Elles n’ont point l’éclat de l’or, ni la lumineuse transparence du verre, ni l’attraction des plantes aromatiques ; mais elles sont solides, on ne viendra pas les lui prendre et il les gardera en toute saison.
On veut souvent ce qu’on n’a pas. Ce que possèdent les autres déclenche chez nous l’envie et le manque.
Mais nous pouvons nous concentrer sur nos forces au lieu de nos faiblesses, sur ce que nous avons au lieu de ce qui nous manque.
C’est un des secrets du bonheur.
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D’après un texte de Xavier Marmier
6 juillet 2013
Histoire