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Aïn Beïda Go home par El-Houari Dilmi

6 juillet 2013

El-Houari Dilmi

« Pas d’étranger», cria l’imam armé d’un fusil. Le ciel est bas, le chômeur est écrasé, le pays est une allumette. «Où Aller ?», dit le chômeur. « D’où il vient ? », dit le délégué à la sécurité. Un chef de daïra attend que sonne le téléphone. Les fenêtres se ferment. Ne roulent dans la rue centrale que les arbustes secs et roulants. C’est la poussière et la prière et une femme voilée en noir qui court se réfugier. Un minaret, au loin, inachevé par manque d’argent (par manque de foi, avait crié l’imam lors d’un prêche du vendredi), regarde le monde avec un haut-parleur en guise d’œil. A Aïn Nasa, les chômeurs qui viennent d’ailleurs restent ailleurs qui ne vient pas chez nous. L’imam a parlé, chauffé la foule. La veille, soudain, d’autres chômeurs, ceux du village, ont trouvé une raison : battre à mort les chômeurs d’ailleurs, venus d’ailleurs. Dans la nuit, on s’arma de bâtons et de cordes. Les chômeurs d’Aïn Nasa se sentaient enfin heureux, utiles, forts et soutenus même sans être payés : ils allaient chasser du chômeur à Aïn Beïda et les jeter dans la source d’Aïn Beïda. Dans son salon, l’homme puissant téléphona à Alger pour informer : on s’en occupe. Méthode colon, avec la liberté en plus : frapper des chômeurs par des chômeurs, c’est comme frapper une main avec une autre. C’est comme applaudir et cela ne laisse pas de traces : les chômeurs n’existent pas officiellement. Rien ne se passe quand le vent chasse le vent.

Les trois étant presque contents : l’imam qui a prêché au nom de Dieu, le chef de daïra qui a concocté, le notable qui dépend des deux : du ciel et du miel. Il fallait y penser. Alger l’a rêvé, Aïn Beïda l’apporte : une répression avant la manifestation. Un rassemblement de chômeurs empêché par des chômeurs. Dieu est Grand. L’imam est heureux : il passe de prêcheur à empêcheur. C’est l’alliance sacrée entre le seigneur féodal, le prêtre, le vassal et l’autorité du prince central. Mais l’imam ne le savait pas. Ni le chef de daïra, ni le délégué de la sécurité, ni le téléphone du secteur. Pas la peine : on n’a pas besoin de lire des livres pour apprendre à mâcher. Le village est calme et il y tient : pas d’étrangers en Algérie, même algériens. Les gens ont peur, craignent la fin du monde, la géhenne, Dieu, les impôts et le chaos. Le chaos, c’est l’anti-Christ des moyens âge modernes. Il pollue les puits, désordonne les saisons et les récoltes, provoque la peste et la sécheresse et attire la colère de Dieu. « On n’en veut pas », dit l’imam à la foule pendant le vendredi. On est bien chez nous qui n’est pas chez eux. Les chômeurs venus d’ailleurs ont donc erré un peu dans la rue, personne ne voulut leur vendre de la nourriture ou du foin, les fenêtres étaient méfiantes et les portes tournaient le dos aux chaussures des arrivants. « Le Nord est plus vide que le Sahara », se dit Tahar Belabbès, le leader des Chômeurs. Il renifla puis repartit avec un générique de fin de film dans le dos de la veste. « C’est juste un épisode d’un long feuilleton », murmura-t-il avec confiance. Puis la nuit est venue. Et avec elle la matraque, les cris, les coups de pied et les agressions. Les chômeurs d’Aïn Beïda ont bien « travaillé » contre les chômeurs venus d’ailleurs.

Au matin, les étrangers étaient partis.

Aïn Beïda était saine et sauve. Son minaret, son imam, son chef de daïra et ses paysans effarouchés par la fin du monde. Seul problème, les chômeurs d’Aïn Beïda : ils se sont retrouvés du coup au chômage. Rien à faire quand il n’y pas d’ennemi (un problème qui s’est posé à la nation après le départ des colons français). Le chômage était redevenu cruel et vide. On n’avait rien à faire contrairement à l’imam, au chef de daïra, au délégué de sécurité, au téléphone et au chef de secteur. On pouvait chasser des chômeurs, mais pas le chômage. La révélation fut douloureuse.

Une nuit, une idée germa : allons au Sud manifester près du pétrole, dit l’un des chômeurs d’Aïn Beïda. « Oui, mais tu sais, les chômeurs de Hassi Messaoud sont peut-être comme nous », dit un renifleur. « Oui. Et donc ? », dit le meneur avec son bâton. « Et bien, je ne sais pas », répondit un Aïn Beïdi.

Mais tout le monde savait.

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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