Les versions ridicules de la bataille d’Alger par Kamel Daoud

Existe-t-il un racisme algérien envers les Français? Une forme au moins existe : celle qui consiste a attaquer les Français pour outrage, insultes racistes, insultes au drapeau. Depuis quelques temps, c’est la mode: des gestionnaires d’entreprises de nationalité française sont accusés, inculpés ou soupçonnés puis traînés devant les tribunaux par des employés algériens. E là on reste songeur et indécis: il se pourrait que cela soit vrai et qu’ils s’agisse de quelques néo-colons fervents de la théorie des races et de la théorie du “travail d’arabe” comme explication du monde et des récoltes. Il se pourrait aussi que cela soit des cas d’ Algériens qui trouvent prétexte de la sieste, dans le symbole du drapeau et au nom des martyrs et qui fondent leurs accusations avec le capital de l’hyper nationalisme et de la guerre de libération comme alibi commode. L’histoire difficile des deux pays rend plausible l’insulte de “sale arabe” et rend vraisemblable l’accusation injuste au nom du drapeau. La raison? Trop d’histoires communes, de morts, de passifs et d’affects. Il suffit de rien pour convoquer les morts ou les colons. En Algérie, la frontière entre “travail d’arabe”et travail mal fait ou incompétence  ou la mauvaise foi, est très mince. Et la vision de certains Français reste contaminée par l’histoire passée et une vision de suprématie sur le peuple de l’ancienne colonie qui a gâché un beau pays par ses bras mous. Ce n’est pas l’avis de tous, ni ici ni ailleurs, mais cela arrive.

Dans le cas, ce genre de procès est mauvais signe cependant. Le nombre de procès qui aujourd’hui fait la chronique est en augmentation: il suffit de rien pour qu’un chasseur d’hôtel en vienne a accuser un PDG étranger d’avoir insulté les martyrs et le drapeau. Derrière on pourra trouver l’insulte mais aussi des manœuvres et des complots et de bas calculs domestiques. Cela devient trop commode, facile et transmet le mauvais messages aux partenaires étrangers, de toutes nationalités. Pour eux, à l’islamisme ambiant, il faut donc ajouter le patriotisme de l’inquisition. Il ne faut pas se cacher que les Algériens ont la grève facile ( autant que les Français), la contestation élaborée et la ruse rodée sur l’usage des sensibilités collectives pour des calculs très personnels. C’est l’article 120 bis appliqué aux autres avec trop de facilité et par des tribunaux tentés par le zèle aussi. Cela ne veut pas dire que la tendance colon n’existe pas mais, mais il ne s’agit pas du sujet de cette chronique. Le sujet est que ce prétexte d’insultes et d’atteinte au drapeau devient trop facile, nuit aux stratégies d’importations de ressources humaines, pèse sur les partenariats et les investissements et peut servir à de graves dérives et à des caricatures dont on peut faire l’économie. La mentalité ANSEJ, l’argent facile, le socialisme mental et la paresse comme doctrine ont déjà fait beaucoup de mal à la réputation de la main-d’œuvre algérienne et a ses capacités déjà très théoriques. Si à cela on va y ajouter les comédies patriotiques et les susceptibilités, on finira par remettre en cause notre si fragile fréquentabilité, nos chances de relance et nos stratégies pour apprendre. C’en est devenu trop facile, lamentable parfois, confortable et inutile. La France est déjà piégée par des feuilletons du genre quotas de joueurs, viande halal et procès des peaux et des voiles pour qu’on se mette à en imiter le ridicule. Et nous sommes déjà trop piégés par les fanfares et les vanités pour y ajouter ces batailles d’Alger menées par les cheveux.