L’affaire Bouteflika devient un roman policier: on ne trouve pas le corps, le crime, l’arme mais on sait qu’il y a mystère. Quarante jours après, l’absence d’un président pour un pays sain devient une affaire nationale sérieuse. Chez nous, l’affaire en est encore à la gestion familiale. Elle interpelle, fait remuer et inquiète surtout mais en mode vibreur.
A défaut d’un Etat fort et d’une démocratie réelle, on se rabat sur le minima: qu’il revienne et assure au moins une transition douce, une passation. Cela sera bon pour lui, les siens et la fin de l’histoire. Au lieu de cela, on a le vide. Sous différentes formes, genre on ne bouge pas parce que personne, mis à part son frère, ne sait comment il va et comment il peut revenir: en bonne forme, en colère ou en mode vengeance ? « Il y a parfois des purges même s’il n’y a pas de coup d’Etat et le bonhomme est connu pour être rancunier et méfiant. Du coup, il y a paralysie, même s’il y a quête. Le pays est devenu une vaste commission de surveillance de la lune avec une nuit écourtée de quarante jours. Et parce que le vide est insupportable, on le remplit avec les prénoms que l’on peut: Zeroual, Benflis, Ouyahia. L’Algérie est réduite au mode scrabble.
Rien n’annonce que Bouteflika va penser à demain et surtout au notre. D’ailleurs qui se souvient d’une transition douce en Algérie ? Le GPRA a été expulsé sans égards par Ben Bella. Il sera mis sous terre vivant par Boumediène. Lequel mourra brusquement en laissant le vide et sans aucune transition en route: ce fut lui, puis la formule au rabais du gradé le plus vieux. Chadli sera démissionné par l’armée et Zeroual démissionnera à cause de l’autre armée. Boudiaf sera tué et Bouteflika héritera de Zeroual dans la précipitation. Le départ «organisé» de Zeroual ? Ce n’était pas une transition, mais un rattrapage. Les deux derniers présidents algériens ne s’aiment pas, cordialement. Donc jamais l’amour et la transition, toujours la logique de la dernière minute, le lifting en catastrophe. Cela ne fera pas exception aujourd’hui.
Quand un peuple vote, cela s’appelle démocratie. Quand ce sont des décideurs qui choisissent un président, cela s’appelle cooptation ou dictature. Et quand même les décideurs ne décident pas, que le peuple n’élit pas et que le dictateur ne veut même plus revenir, cela s’appelle comment ?
5 juillet 2013
Kamel Daoud