Le chauffeur, connaissant la clientèle du moment, et sa ligne, en sourdine, avait mis une cassette psalmodiant le Coran. Ce qui ne l’empêchait pas de brûler toutes les politesses du code de la route et du civisme. Et le receveur de demander qu’on avance vers l’arrière dépassant l’au-delà de la charge autorisée. Senteurs de musc et de gasoil. Un silence de mort bercé par le ronflement du moteur qui roulait sa mécanique mal lubrifiée à travers la ville anesthésiée par le vendredisme hebdomadaire.
Mais ne voilà-t-il pas que le téléphone de akhi se mit à sonner. Normal diriez-vous. Un mobile à tous les mobiles pour sonner et à n’importe quel moment. Sauf que là, le car était bondé de vendredistes.
Il le cherchait partout dans ses poches. Des poches qu’il ne retrouvait plus. Car sur le survêtement il avait endossé une djellaba blanche. Et des poches il y en avait. Le temps que ses doigts se mettent en contact avec le bigophone mécréant, du raïman repenti, c’était trop tard.
Sa sonnerie kechfatou : «On va chanter, on va danser » le tube de Khaled, avait déjà chahuté les versets et c’est tout le bus qui déversait des regards-scuds sur lui. Ses doigts balbutiaient entre les touches pour trouver le « off » mais la sonnerie indisciplinée continue «c’est la vie la la la la ». Là, frein sec. Arrêt. Stop dine. Yaaa dini. Il ne savait plus quoi dire à ces regards « coups et blessures volontaires ». La portière arrière s’ouvre. Il descend avant d’être descendu. Ouf, il est dehors, hors état de nuire.
Hé oui, on l’aura compris, comme pour l’habillement, le choix d’une sonnerie est l’expression de l’individualité et dévoile un aspect de la personnalité.
Galou les sociologues «celui qui change souvent de sonnerie est un être peu fiable, celui qui opte pour un morceau de musique classique est prétentieux, celle qui choisit le dernier tube à succès est frivole, celui qui choisit le thème musical d’un feuilleton télé compense un manque d’aventure dans sa propre vie. Ou encore, le coup de grâce: celui qui choisit une des sonneries proposées par défaut dans son mobile est soit technophobe, soit ringard». Mais le nôtre qui a déguerpi du bus de peur d’être lynché, quel profil lui collera la sauciologie nationale ?
5 juillet 2013
El-Guellil