conclusion de Mouloud Mammeri de l’entretien avec Tahar Djaout
» C’est par là que je voudrai finir. Le nombre de jours qu’il me reste à vivre, Dieu seul les sait. Mais quel que soit le point de la course où le terme m’atteindra, je partirai avec la certitude chevillée que, quels que soient les obstacles que l’histoire lui apportera, c’est dans le sens de sa libération que mon peuple (et à travers lui tous les autres ) ira. L’ignorance, les préjugés, l’inculture peuvent un instant entraver ce libre mouvement mais il est sûr que le jour inévitablement viendra où l’on distinguera la vérité de ses faux semblants. Tout le reste est littérature «
Entretien à Tahar Djaout sur l’écriture comme espace identitaire
À propos de Artisan de l'ombre
Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie
Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme .
Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali …
Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère .
Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains.
Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui
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22 février 2013 à 15 03 32 02322
La traversée de Mouloud Mammeri : L’homme qui voulait comprendre
Maudit, interdit par le parti unique dans les années soixante-dix et quatre-vingts, La Traversée, quatrième et dernier roman de feu Mouloud Mammeri, est un livre puissant qui signe le naufrage des idées reçues, des « constantes » hautement proclamées par les tenants du pouvoir algérien de l’époque. Se rappeler aujourd’hui ce roman, La Traversée, c’est dire : les hommes passent, les pouvoirs dictatoriaux tombent et parfois il n’y a plus personne à qui demander : comment était-ce la situation de la pensée libre au temps de l’Algérie du parti unique ‘ Comment percevait-on l’émergence de la langue amazighe ‘ Comment traitait-on ses militants convaincus ‘La vie perd son visage, ne reste que l’Histoire compilée dans les bibliothèques.Par chance, les événements de cette époque ont survécu, tel un étrange reflet imprimé dans les nuages, et vous êtes libre de venir bavarder avec chacun, ou, si vous le préférez, de s’élever jusqu’à avoir une vision d’ensemble, l’un et l’autre avec la même garantie de vérité. Plus le temps va, et plus La Traversée nous fascine. Parti vers le Sud (le Hoggar) Mourad, « l’intellectuel » généreux et avide de vérité, convie chacun, avec tant de force, à voir plus haut que sa tête et reconnaître qu’elle n’est pas la seule dans cette Algérie des années soixante-dix. Qu’il y a encore une « vérité » (entendre la cause amazighe) enfouie quelque part ; une vérité à comprendre, qu’il faut comprendre. Entendu, l’exigence est énorme. A l’époque, « le pouvoir » était aveugle. Il ne voyait que « ses réalisations socialistes ». Mourad, le héros principal de La Traversée, était un non-initié. Mouloud Mammeri l’a voulu ainsi. Il fait poser à son personnage des tas de questions. Mourad, dans sa quête de « la vérité », voulait comprendre tout.A la fin du roman, il était à bout. Il ne pouvait ni ne voulait compter sur la compassion et la pitié de ses compatriotes. « Aller au Sud » c’est presque « voyager dans le temps » pour Mourad. C’est une « traversée » pleine de « leçons ». C’est même un « voyage d’initiation ». Tel Ulysse le légendaire, le « Mourad » de Mouloud Mammeri voulait comprendre tellement qu’il pouvait dépasser la capacité du « lecteur » d’y répondre. Mais le romancier insiste : nous ne garderions plus rien d’humain si nous ne recherchions pas les « réponses », toutes les réponses aux questions. Si horribles soient-elles ces réponses sont nécessaires à la vérité, à la… vie !
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22 février 2013 à 18 06 32 02322
Mort bête (comme disait Roland Barthes, à propos de la mort, par accident, d’Albert Camus) ou suspecte que celle de Mouloud Mammeri ? Comment a-t-il eu l’absurde idée de rentrer de Rabat à Alger dans une voiture aussi petite que sa Peugeot 205 ? Des milliers de kilomètres dans une voiture aussi exiguë et inconfortable ?
lundi 11 avril 2005.
Il était 23h et quelques minutes de cette nuit du 26 février 1989, quand Mouloud Mammeri sortit de la ville de Aïn Defla. Il amorçait, avec sa 205, un virage dangereux. La nuit était opaque. Aucun clair de lune. Soudain, un camion en stationnement, feux éteints, sans triangles de panne1, voulant l’éviter, Mouloud Mammeri donne un coup de volant à gauche.
Malheur, les phares d’une voiture qui arrive à toute vitesse en sens inverse l’aveuglent, l’obligent à donner un autre coup de volant, toujours à gauche. Catastrophe, la 205 tombe dans un ravin et s’immobilise en s’écrasant sur un tronc d’arbre. Secouru après 20 minutes (d’après le médecin de garde), il a été amené par une ambulance aux urgences de l’hôpital de Aïn Defla (le plus proche), hôpital dépourvu de matériel médical sophistiqué et sans chirurgien à l’époque. Perdant beaucoup de sang (hémorragie interne d’après le diagnostic des médecins présents cette nuit), Mouloud Mammeri rendra l’âme une heure après son admission à l’hôpital de Aïn Defla. Sur son permis et son passeport était écrit Mohammed Mammeri, personne parmi le personnel médical de l’hôpital ne reconnut l’écrivain. On avertit la police pour contacter les proches de la victime à la rue Sfindja, El Biar (Alger), comme c’est écrit sur son permis. A 8h, arrive le docteur Amar Khris (très cultivé), chef du service pédiatrie. On lui parle de l’accident, de la victime qui est à la morgue.
Il se dirige vers cette dernière. Le docteur Amar Khris reconnait tout de suite la victime. Il se tourna vers ses collègues et dit d’un ton grave : « C’est l’écrivain Mouloud Mammeri ! » Tout le monde poussa un « Ah ! » Militant « impénitent » (le mot est de l’écrivain) de la démocratie, la liberté d’expression et du berbérisme, pendant la période du parti unique, les photographies, les écrits et même le nom de Mouloud Mammeri étaient bannis de la presse d’Etat. Comment savoir que Mohammed Mammeri était Mouloud Mammeri ? De 8h à 9h, le docteur Amar Khris se démena comme un beau diable, en téléphonant à tous ses amis d’El Attaf2, de Aïn Defla, d’Alger, de Tizi Ouzou, etc. A 9h 10, il peut joindre, enfin, par téléphone la fille de Mouloud Mammeri.
Gorge nouée par les sanglots, il lui annonça la triste nouvelle. Le 27 février 1989, à 14 h, le corps de Mouloud Mammeri est ramené à son domicile, rue Sfindja à Alger. Le lendemain, Mouloud Mammeri fut enterré à Taourirt Mimoun, son village natal. C’étaient des funérailles grandioses. Du jamais-vu en Algérie. Plus de 200 000 personnes : jeunes, vieux, femmes et hommes assistèrent à son enterrement. Il n’y avait aucun officiel ! D’ailleurs, qui est « l’officiel » qui pouvait se hasarder parmi cette foule compacte qui scandait des slogans contre le pouvoir en place.
Par Djilali Khellas, elwatan.com
1 Le chauffeur qui s’est présenté de lui-même aux gendarmes a reconnu tous ces faits.
2 Sa ville natale située dans le village de Aïn Defla.
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22 février 2013 à 18 06 35 02352
Folio : les symboles dans l’œuvre romanesque de Mouloud Mammeri
Culture : les autres articles
Djilali KhellasPublié dans El Watan le 08 – 05 – 2012
L’écrivain est comme un arbre qui croît : il s’alimente aux sucs de la terre où il pousse, il puise sa force dans cette terre.
Cependant, une fois qu’il a grandi et plongé ses racines au plus profond du sol natal, il ne se contente plus d’en tirer sa nourriture : il le nourrit à son tour. Comme tous les grands écrivains, Mouloud Mammeri n’a pas dérogé à ce noble principe littéraire. De La colline oubliée, à La traversée, en passant par Le sommeil du juste et L’opium et le bâton, la terre natale est décrite magistralement. Il suffit de visiter la Kabylie profonde aux montagnes et collines majestueuses, aux villages perchés «si haut» qu’on dirait des nids d’oiseaux et aux ravins et ruisseaux ensorcelants, pour découvrir tout cet amour que Mouloud Mammeri vouait à cette terre qui l’a vu naître.
A l’exception de La traversée, tous les romans du grand écrivain, désormais classiques incontournables pour tous les Algériens, subliment cette terre et l’élèvent au rang «d’héroïne éternelle». En effet, Mouloud Mammeri ne s’arrête pas à la «description optique» du relief du terroir, mais «le fait vivre».
La colline oubliée n’est-elle pas le symbole de cette Algérie qui «a été oubliée» par le monde entier pendant la longue nuit coloniale ? Le mot «colline» suggère «la hauteur», la montée difficile pour quiconque veut en atteindre le sommet. C’est aussi «le nif algérien» (nifou talaâ =digne). Les critiques, au nationalisme étroit, n’ont pas compris «le grand symbole» du romancier Mouloud Mammeri. C’étaient les années cinquante. Il fallait «montrer ses armes aux colonisateurs » ! La culture ou «le nif » symbolisés par «La colline» de Mouloud Mammeri comptaient très peu aux yeux des «indépendantistes» de 1952, date de la parution de La colline oubliée. Même Taha Hussein, le penseur égyptien aux positions controversées vis-à-vis de la cause algérienne, n’a vu dans La colline oubliée(1) qu’un roman ethnographique.
Pourtant, Mouloud Mammeri, qui voyait en lui le digne représentant de «la pensée arabe à Paris» à l’époque, lui avait écrit une dédicace en arabe sur l’un des exemplaires de son roman tirés spécialement sur vélin par l’éditeur. Certes, Taha Hussein a remercié Mouloud Mammeri et fait l’éloge de sa «belle langue et de son style ciselé», mais au fond «la vision sociale et politique» du romancier reste pour lui «étroite» (thayiqa). Maître de sa longue vision, ne se sentant nullement dérangé ou gêné par «les critiques» aux relents politiques avérés, Mouloud Mammeri continue sa quête du «symbole» de hauteur, de dignité et d’éternité et pour la terre algérienne et pour ses habitants autochtones. Cette «terre escarpée», difficile à monter n’est, en fait, que «le symbole de la sagesse» qui remplit les contes populaires racontés par les ancêtres depuis la nuit des temps. Cette «sagesse» sommeille en nous. Il faut la réveiller, comme il faut «épousseter l’oubli», qui cache «la colline/Algérie».
C’est le grand symbole qu’utilisera Mouloud Mammeri, quelques années plus tard, dans son deuxième roman intitulé Le sommeil du juste. Cette terre tant chérie doit puiser dans son patrimoine ancestral millénaire pour retrouver son «juste» qui la mènera vers la liberté. Ecrivain visionnaire et moudjahid dès 1956, Mouloud Mammeri était un «démocrate impénitent» (c’est son expression). Il voyait l’avenir de l’Algérie autrement. Et l’histoire lui a donné raison ! Dans son immense épopée parue en 1967 sous le titre, L’opium et le bâton, notre grand romancier a démontré que la Révolution algérienne a été une véritable révolution populaire où «les intellectuels» ont joué un rôle de premier ordre. Le médecin, qui a rallié le FLN, n’a pas fait que soigner les blessés ou les malades. Il a été l’exemple à suivre et la bougie qui a illuminé les esprits qui combattaient «la nuit» sans savoir où aller. Si le colonialisme a utilisé «l’opium» pour endormir nos pères et grands-pères, nous, nous devrons bien «tenir le bâton» et pour le chasser et pour «soutenir la baraque qu’on veut construire».
Dans cette Algérie fragilisée par tant de malheurs, «l’action de bâtir», «le mouvement de construire» devront s’appuyer sur de bonnes bases. Et Mouloud Mammeri voyait loin, très loin. Dans son quatrième et dernier roman, intitulé La traversée, il fait voyager son héros, Mourad, au fin fond du Sahara algérien. Mourad, dans sa quête d’identité, doit aller le plus loin possible : comprendre la culture algérienne dans toute sa diversité et découvrir cet immense territoire qui l’a vu naître. Mourad est un «intellectuel». Il doit «comprendre» pour agir, pour construire. Romancier génial, chercheur et érudit de grande envergure, Mouloud Mammeri a résumé sa vie militante par cette expression désormais légendaire pour tous les patriotes algériens : «Je suis un démocrate impénitent»(2) «Le printemps berbère » de 1980 « la révolte populaire» d’Octobre 1988 et la reconnaissance de tamazight, «bâton» qui manquait dans le puzzle culturel algérien, doivent quelque chose, «une grande chose» à Mouloud Mammeri.
Note :
1) Voir «Naqd wa khissam», le Caire 1958. T . Hussein, reproduit la dédicace de M. Mammeri écrite avec une belle calligraphie maghrébine.
2) Entretiens avec Tahar Djaout – Ed. Laphonic, Alger.
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