« Mon passage de la culture berbère à un genre de vie qui je crois en est radicalement différent a été brusque, et ce qui par la suite m’a le plus frappé a été ce dont il fallait avec douleur m’arracher après l’avoir longtemps chérie, c’est-à-dire tout le stock de vérité que l’on m’avait inculquées et dont j’étais forcé de reconnaître la fausseté ou le leurre.»
« Ceux qui, sous prétexte d’engagement, crient à l’agression idéologique de l’occident et au néo-colonialisme culturel, ceux qui prônent le plus véhémentement un retour aux sources… comme si l’on pouvait vivre en retournant, ou même seulement en se retournant, … sont souvent les plus idéologiquement aliénés, comme si la fureur du cri les rachetait de l’indépendance. Ils n’ont pas assez maîtrisé, assez transcendé les concepts de l’occident pour au besoin s’en détacher, les repenser, les faire vivre ; il en va d’eux un peu comme ces voyageurs engagés par distraction dans les vases du chott : plus ils font d’efforts pour se dégager et plus ils s’enlisent. »
« Quant je regarde en arrière, je n’ai nul regret, je n’aurai pas voulu vivre autrement… De toute façon, un fantasme n’est jamais que cela. Je ne me dis pas : J’aurai voulu être un citoyen d’Athènes au temps de Périclès, ni un citoyen de Grenade sous les Abencérages, ni un bourgeois de la vienne des valses. Je suis né dans un canton écarté de haute montagne, d’une vieille race qui depuis des millénaires n’a pas cessé d’être là, avec les uns avec les autres… qui, sous le soleil ou la neige, à travers les sables garamentes ou les vieilles cités du tell a dérouté sa saga, ses épreuves et ses fastes, qui a contribué dans l’histoire de diverses façon à rendre plus humaine la vie des hommes. »
« Personnellement, il me plaît de constater dès les débuts de l’histoire cette ample faculté d’accueil. Car il se peut que les ghettos sécurisent, mais qu’ils stérilisent c’est sûr».
« Mais, quelque soit le point de la course ou le terme m’atteindra, je partirai avec la certitude chevillé que, quelque soit les obstacles que l’histoire lui apportera, c’est dans le sens de sa libération que mon peuple (et à travers lui les autres) ira. L’ignorance, les préjugés, l’inculture peuvent un instant entraver ce libre mouvement, mais il est sûr que le jour inévitablement viendra où l’on distinguera la vérité de ses faux semblants. Tout le reste est littérature ».
« La culture n’est pas seulement un héritage reçu, c’est aussi un projet assumé ».
« J’ai conscience d’œuvrer dans une période de transition, où certaines possibilités (peut-être certaines audaces) me font défaut. Mais j’ai espoir de préparer le lit à des desseins plus radicaux et qu’un jour la culture de mes pères vole d’elle-même ».
« Il était temps de happer les dernières voix, avant que la mort ne les happe. Tant qu’encore s’entendait le verbe qui, depuis plus loin que SYPHAX et que SOPHONISBE, résonnait sur la terre de mes pères, il fallait se hâter de le fixer quelque part où il pût survivre, même de cette vie demie-morte d’un texte couché sur les feuillets morts d’un livre. »
« J’ai l’espoir de préparer le lit à des desseins plus radicaux et qu’un jour la culture de mes pères vole d’elle-même. »
22 février 2013
1.Citations, Mouloud Mammeri