« Aujourd’hui, si le bonhomme annonce qu’il va se nommer Roi des Rois d’Afrique, l’Occident le soutiendra ». C’est une amie qui résume bien un peu notre misère politique. Le grand Occident, mangeur de ressources, cartographe de ses expansions, a besoin de l’Algérie.
Telle qu’elle est : assise, sans mouvements dedans, utile. C’est ce mot qui tue le plus d’ailleurs : l’Algérie, son régime, sont devenus très utiles. Pour le gaz, le pétrole comme on le savait, mais aussi pour le Mali, le Sahel, la Libye, l’islamisme et la région du Maghreb. Donc, le vent est bon pour réviser la Constitution comme on le veut, réprimer, ruser avec les réformes, tergiverser. Et ici, avec l’instinct féroce de l’homme qui ne veut pas mourir, vieillir, partir, on va monnayer. Le Mali, grain (de sable) par grain. On va monnayer les contrats avec l’Occident en crise. Les achats d’armes. Les projets. On aura remarqué que c’est la première fois qu’un président français arrive en Algérie, presque sur la pointe des pieds et les mains sur la tête. Sans critiques, ni leçons, sans dossiers de droits de l’homme ni effets d’annonce. On dirait Chirac qui visite la Tunisie de Benali. C’est presque la visite d’un maire affable et trop aimable chez un voisin trop riche, même s’il est détestable. Et il ne s’agit pas de Hollande seulement mais du reste de l’Occident qui accorde au pouvoir une fréquentabilité qu’il a perdue depuis l’âge d’or des Non-alignés.
Le pays est désormais l’Arabie Saoudite du Maghreb : on peut y lapider les femmes qui prennent le volant que Hollande et la corporation ne trouveraient rien à redire. On aura remarqué que les médias français auront été peu critiques cette fois, malgré cette tradition d’audit des ex-colonies à laquelle on cède, à chaque visite d’un président français. A peine l’affaire Tibherine. Et presque pas le reste ou seulement avec le bout des lèvres.
C’est que les temps ont changé. La Saoudisation de l’Algérie se confirme, de plus en plus : par l’âge de la famille régnante, par les gisements, par le conservatisme qui immobilise les changements douteux, par le blanchiment que subit le Pouvoir algérien, depuis les attentats US du 11/9. Et comme dit, il y a quelques jours, quand un pays du tiers monde devient très utile pour l’Occident, son peuple devient très inutile. Proportionnellement. Donc l’Algérie se saoudise et l’Occident la traite comme l’Arabie Utile et ferme les yeux sur la main qu’on coupe et la femme qu’on lapide. Ce n’est pas un hasard si Hollande va visiter le dernier Royaume connu de l’Algérie, à Tlemcen.
16 décembre 2012
Kamel Daoud