Jeudi, 06 Décembre 2012 09:50
…SOUFFLES…
Ce qui se passe en Égypte, culturellement parlant, nous interpelle. Sur les langues des artistes, des écrivains et intellectuels s’écrit l’Histoire. Je n’aime pas ce que Shérihane la Cendrillon de Fawazir et des Alf Leila wa leila, a donné en cinéma, mais j’adhère à son discours clair, politiquement correct, envers ce qui se passe dans son pays.
Elle n’a pas mâché ses mots, elle n’a pas retourné sa langue sept fois dans sa bouche pour dire : un grand “Non” au président Mohamed Morsi qui a violé la révolution et a semé la sédition qui menace l’unité du peuple égyptien. Je ne suis pas amateur des feuilletons égyptiens, ni turcs d’ailleurs, mais en écoutant les déclarations courageuses et incendiaires formulées par l’actrice Ilham Chahine à l’encontre des ennemis de l’art et de la liberté de la création, ces prédicateurs qui se placent en ombres de Dieu sur terre, ceux qui l’ont accusée d’immoraliste, avec admiration je la salue. Je n’aime pas trop les romans de l’écrivain Alaâ al-Aswani, auteur du bestseller “L’immeuble Yacoubian” (2002) ou encore “Chicago” (2006), mais en suivant son implication dans le mouvement révolutionnaire égyptien, en lisant ses déclarations condamnant la nouvelle dictature islamiste égyptienne, je me suis dit : “Il est demandé à tous les romanciers arabes et maghrébins de méditer sur ce courage politico-littéraire”. Quand le romancier Alaâ al-Aswani déclare : “Si Morsi ne renonce pas à ses ambitions pharaoniques et antirévolutionnaires nous allons l’envoyer là où se trouve Moubarak!”, cela signifie l’éveil de la littérature et son installation en plein cœur de l’Histoire. L’artiste Shérihane, celle qui, par ses gestes corporaux harmonieux et poétiques, celle qui pendant un quart de siècle, a fait rêver des millions de téléspectateurs, nous apprend que le corps féminin de l’artiste n’est pas une marchandise, mais une autre forme de résistance.
L’actrice Ilham Chahin, dans des moments historiques sensibles, nous apprend que les baisers échangés dans un film ne sont pas fortuits ou vides de sens politique, ils font un barrage solide contre toute descente en enfer, pour dénoncer toute atteinte à la liberté de l’art.
Le réalisateur Khaled Youssef, élève de Youssef Chahine, en ces jours décisifs que traverse son pays l’Égypte, par son verbe franc et frais tire la sonnette d’alarme en hurlant fort : le cinéma n’est pas un plaisir gratuit, il est le plaisir le plus risqué, l’art le plus menacé. En ces jours moroses de l’Égypte politique et culturelle, sous l’autorité du parti des Frères musulmans, la caméra, le roman, le gestuel et le symbolique d’une embrassade de deux acteurs dans une scène, nous apprennent combien la liberté de création est fragile, de quoi elle est faite, comment elle doit être défendue. Comment elle est bafouée? Combien, par ses femmes et ses hommes, elle est forte, combien elle est en bonne santé.
Par le courage des actrices et acteurs, par l’engagement des écrivaines et écrivains, le roman, la chanson, la danse et la caméra annoncent la fin d’un mythe. La peur est tombée. Une page de l’Histoire est tournée. Les islamistes sont comme les autres. Ils ne sont ni saints ni anges. Ils ne sont plus, aux yeux des croyants naïfs, ceux qui détiennent les clés du paradis. Ceux qui signent les chèques en blanc pour accéder au paradis de Dieu. Ils sont des hommes en quête du pouvoir ! Hantés par le pouvoir, tous pouvoirs confondus. Le monde arabo-musulman est-il dans une nuit nuptiale, noce de loup ou noce de mulet ?
A. Z.
Aminzaoui@yahoo.f
7 décembre 2012
Amine ZAOUI