Mardi, 13 Novembre 2012 09:50
REFLET CULTUREL
Par : Abdennour Abdesselam
La toponymie est une science qui étudie et établit l’ensemble de l’héritage des noms, appelés toponymes, donnés à des villes, des villages, des rues, des places, des lieux et du paysage géographique en général, présenté sous toutes ses configurations physiques et formes. Qu’il s’agisse des oueds, des montagnes, des pitons, des plateaux, des vallées, des plaines, des gouffres, etc. Chaque nom renvoie à une histoire, à une glorification d’un haut fait, à des personnages illustres, à des phénomènes naturels, à des mythes, à une dédicace et autres célébrations. Les toponymes ne sont donc pas neutres dans ce qu’ils représentent comme identifiants, particularismes. Ils décrivent un caractère propre d’une région et ou d’un pays. Ils sont un élément constitutif de l’histoire d’un pays. Dans ces mêmes colonnes, il a été déjà traité de l’action de dépersonnalisation stratégique, psychologique et première engagée par les colonisateurs dans la transformation et le remplacement des toponymes naturels dès la conquête d’un pays donné. Or, dans notre pays et immédiatement après l’indépendance, une commission administrative a été instruite pour redresser et réhabiliter les toponymes originaux.
S’il est évident que cette initiative de réappropriation du patrimoine toponymique du pays est légitime, il n’en demeure pas moins que cette action de dépersonnalisation a malheureusement trouvé son prolongement aux noms des lieux à sens et à consonance amazigh. Bien de ces toponymes n’ont pas été du goût des champions de la généralisation de l’arabisation de l’environnement. Pour exemple, At Yanni a perdu son prénomme indicatif “At” et remplacé par le prénomme “Ben” d’appartenance familiale et dont les sens sont opposés. Adrad Aissa Mimoun a été transformé en Djebel Aissa Mimoun, Aqarrou n Wasif par Ras El-Oued, Tala en Aïn, etc. Comme dans le Sud la colonisation a été forcée de garder les toponymes originaux, sans doute en raison du souci d’une exploitation rapide et extensive des richesses du sous-sol, les membres de la fameuse commission ont tout de même joué sur la transformation de la prononciation des sons de la langue naturelle. Ainsi, la localité d’Adrar, très semée de pierres et d’où son nom perd le son vélaire de “d” (dal arabe) et remplacé par le son occlusif et appuyé du “d” comme dans Daniel qui ne donne aucun sens y compris dans la langue arabe. Mais la “blague” la plus cocasse est certes la transformation du nom du arch d’At Bouyousef (ceux de Yousef), dans la daira de Aïn El-Hemmam, qui a été converti par le folklorique Abi Yousef (mon père Yousef). At Bouyousef et Abi Yousef ne disent pas la même chose, et leurs désinences respectives sont aux antipodes les plus contradictoires en sens. Mais on dit bien que le début de la mort d’une culture commence bien par sa folklorisation.
A. A.
kocilnour@yahoo.fr
7 décembre 2012
Abdennour Abdesselam