Samedi, 10 Novembre 2012 09:50
LA CHRONIQUE DE ABDELHAKIM MEZIANI
C’est grâce à la sollicitude de mon ami Benali Hassar que je revisite la pratique militante et la pensée de Kateb Yacine. Un intellectuel organique qui a su, en son temps, porter très haut la voix d’un peuple dont les aspirations à la Révolution et à la justice sociale ont été quelque peu trahies par une conception mécaniste et technicienne du développement.
C’est d’ailleurs pour cette position que je lui ai confié la préface de mon livre Le Premier Novembre dans la Mitidja.
Une mission qu’il s’est empressé d’honorer avec célérité compte tenu du profond respect que nous avons l’un pour l’autre. Sans oublier l’argumentaire qui y est développé autour du rôle moteur joué par le peuple, et le peuple seul, dans le processus révolutionnaire. Je dois beaucoup à ce militant qui a toujours su éviter tous les écueils de la récupération pour demeurer fidèle aux idéaux de novembre mis à mal par la trahison plurielle et son corollaire la falsification de l’histoire de tout un peuple dont le génie créateur est sempiternellement réduit à sa plus simple expression.
Quand il n’est pas ignoré par une historiographie qui met en avant les réalisations des différentes civilisations qui ont eu à se succéder dans un pays meurtri, exploité sans vergogne. Victime d’une négation lourde de sens à laquelle il a toujours su opposer le bouclier de son identité et le glaive de sa culture propre.
Pour l’homme aux sandales de caoutchouc, “la recherche du passé, de l’histoire était non seulement un questionnement mais une nécessité vitale. La connaissance de l’histoire est absolument nécessaire. Il y a une sorte de doute de notre histoire qui ronge non seulement notre jeunesse mais tout notre peuple. De la Kahina à l’Emir Abdelkader, nous ignorons pratiquement tout. Or c’est un explosif terrible, une force extraordinaire que nous perdons là. Parce que, déjà, nous ne savons rien de notre révolution, de notre guerre de libération ni des trésors d’héroïsme qui y ont été dépensés. Nous savons que des exploits extraordinaires ont été réalisés, mais personne n’en entendra plus parler parce qu’ils sont déjà oubliés. Alors, si l’on remonte à dix ou vingt siècles en arrière ?” Kateb Yacine n’était pas pour autant pour l’idéalisation de notre histoire, encore moins pour en faire une galerie de héros parfaits, absolus. Il était pour sa prise en charge objective à l’effet de situer et de mieux comprendre nos faiblesses, de démystifier toutes les fadaises, les saloperies qui continuent à être dites sur l’Algérie : “Comme nous sommes encore, et même de plus en plus, tributaires d’un héritage colonial, le même poison continue de couler. Tout cela a été fabriqué à Paris par nos anciens colonisateurs, sans autre but que de nous ligoter, de nous plonger dans le doute, de nous stériliser, de saboter en fait notre révolution. La connaissance de notre histoire est une urgence. Pour nous celui qui connaît son passé, le passé de son pays est deux fois plus fort.” En termes décodés, la sortie de crise est à ce seul prix.
A. M.
zianide2@gmail.com
7 décembre 2012
Abdelhakim Meziani