Jeudi, 06 Décembre 2012 09:50
Paroles, mélodies des maux
Par : D. LOUKIL
L’expérience est si encourageante qu’il est question, aujourd’hui, de produire un CD de ces deux chansons, dont les ventes serviront à financer l’accompagnement des femmes victimes de violences.
“Rani madrouba, majrouha, rani mahgoura et il n’y a que Dieu qui le sache !” “Mon cœur attaché, mon âme arrachée, je pleure, je cris, je hurle… Je veux partir, ma douleur m’étouffe !” “Humiliation, silence, jetée rejetée… Je suis une femme !” Ce sont là les extraits d’un texte, d’un refrain, écrit par des femmes victimes de violences et qui, aidées par l’association Fard d’Oran, ont, au travers d’un atelier d’écriture de deux jours, laissé jaillir d’entre leurs entrailles leur douleur, leur souffrance, montrant les stigmates ayant flétri avant l’heure leurs corps.
Des mots comme autant de supplices et d’appels mis en musique, chantés, portés par ces femmes toujours trop peu audibles, et qui aujourd’hui ont pu être restitués avec le concours de plusieurs personnes.
C’est dans la salle mise à leur disposition par l’Institut français qu’un mini-concert aussi improbable qu’intime a été rendu possible pour faire découvrir deux chansons écrites par des femmes battues, soutenues par des militantes et orchestrées par Hervé Demon, un chanteur français au parcours atypique.
Ce dernier, auteur de chansons pour enfants, s’est peu à peu investi dans des ateliers d’écriture au profit d’hommes et de femmes victimes de violence conjugale “en France”, insiste-t-il. “Chez vous, ce sont surtout les femmes qui sont victimes de violences conjugales.” Et d’évoquer toute son émotion à avoir participé à une telle expérience : “On est allé dans ce monde même de la souffrance avec les mots des blessées et des humiliées… Mais vous savez, même en France, ce sont les mêmes mots, la violence a le même bruit sourd des coups.”
Pour l’une des militantes de l’association Fard, cet atelier d’écriture a été comme une thérapie, car il a permis d’“exprimer à partir des mots des femmes battues et de celles qui les accompagnent leurs souffrances et leurs attentes”. Si la première chanson “A cœur ouvert” parle de cette violence et de l’injustice, les femmes ont transmis un autre message durant leurs ateliers d’écritures : celui de l’amour, de l’espérance. “Car dans notre société, il est tout aussi difficile et tabou d’exprimer ses sentiments et de dire à l’autre je t’aime, d’où la deuxième chanson”, dira notre interlocutrice. L’expérience est si encourageante qu’il est question aujourd’hui de produire un CD de ces deux chansons, dont les ventes serviront à financer l’accompagnement des femmes victimes de violences. Et notre interlocutrice de ne pas oublier de rappeler ce chiffre de 900 femmes par an victimes de violences, un chiffre en progression constante depuis 2009 à Oran.
Quant à nous, nous ne manquerons pas de rapporter ici avec l’autorisation “des femmes auteurs” quelques-unes des paroles de la chanson “Je t’aime” : “Gouli Nebrik wa ana n’jilik/ Gouli Nebrik wa ana N’erdik/Tes mains me découvrent m’enveloppent et m’épousent/ Savoir que bonheur s’écrit sans la peur / Seras-tu mon âme, en toi j’ai la foi/Je suis une femme”.
7 décembre 2012
Contributions