Tout ceci, non pas pour dénoncer cet ex-ministre (cela ne sert à rien car il reste puissant et protégé), mais pour parler du politique. En politique algérienne, cela ressemble donc étrangement à cette histoire de faux double ascenseurs : les élections face aux désignations. Au bas du second ascenseur, dans cet immeuble oranais, il y a souvent bousculade. Comme pour être député ou élu ou maire. Des violences, des soupçons, des fraudes sur la file d’attente, des insultes. C’est le mode d’ascension politique électoral. On grimpe les étages par les urnes. Pour l’autre mode, il s’agit du premier ascenseur : du sol directement vers la villa d’hôte que l’on s’approprie ou vers le toit des immeubles. De ce second mode on sait peu de chose : qui décide ? Comment peut-on bloquer pour soi tout un ascenseur ? Les critères de sélections et qui donne les clefs ? La durée de vie ? Le nombre de villas que l’on s’est appropriées ?
Pour le second mode, celui des élections, il vaut de, moins en moins, sur l’échelle de la bonne éducation et des bonnes manières. Attire les pires et les plus affamés. Semble pousser les meilleurs à emprunter les escaliers plutôt que de se mêler à la bousculade. Il est décrédibilisé jusqu’à l’os du chien. Ce mode va finir par créer la violence, l’émeute ou même la révolution. Par les escaliers, la foule remontera pour saccager le toit et le faire tomber, juger et punir. Les deux ascenseurs seront détruits et pour longtemps avant la naissance d’un nouveau consensus et d’une nouvelle légitimité.
La solution ? Elle est tellement simple : ouvrir les deux ascenseurs pour tous. Interdire qu’un ministre puisse en voler un pour lui et laisser un seul pour trois cents familles. Faire en sorte que pour atteindre le toit, il faut être élu, le mériter et pas le prendre de force. Imposer la loi à tous. La file d’attente à chacun, ministre ou pas. Eduquer les gens à la politesse, surtout au Gouvernement. Donner à chaque algérien un ascensuer à lui seul ou faire en sorte que chacun ait droit à son tour. En réglant l’histoire des ascenseurs, on règle la question pendante de la légitimité en Algérie. C’est le début de la démocratie. « Le peuple veut la restitution de l’ascenseur ! ». Evitons d’en arriver à ce cri de mort. Rendez-le maintenant.
2 décembre 2012
Kamel Daoud