La cause première de cette création idéologique à plusieurs têtes ? Une idée de base chez le Pouvoir : si un couple peut être tué par beaucoup trop d’enfants, le pluralisme peut être tué par trop de partis. Cela a fini par créer cette espèce de nomade assis qu’est le nomadisme entre partis. Aux yeux de ce nomade chercheur de point d’eau, c’est le même métier que celui des ancêtres : dans le vaste désert politique algérien, on vit d’aller de parti en parti, selon les saisons chaudes et les sécheresses du gosier et de la terre, sous sa propre semelle ou sabots. Et si autrefois les ancêtres nomades comptaient la fortune en têtes de bétail, aujourd’hui on compte le bien en tête de liste. Le nomade politique n’a ainsi pas de racines et pas de récoltes. Il n’a que des ovins qui lui servent de reflets, d’autobiographie et de traces de pas dans la mémoire. Le nomade du multipartisme n’a pas d’identité ou de carte et de frontières : il suit les traces des bêtes et les piétinements des troupeaux. Il a plusieurs femmes, plusieurs chiens, plusieurs tentes et plusieurs prénoms, mais il ne construit rien en dur. Pas de villes, de routes en goudron ou de civilisations ou de robinets.
On croit que le nomadisme a disparu en Algérie ? Non. Il est là, sous les yeux. On retrouve l’amoureux de la brebis sous le costume le plus soigné, parfois. Le nomade politique, comme son ancêtre du 13ème siècle sans eau, peut tuer pour une tête de vache ou une tête de liste. Il va, vient, vend et c’est toute son activité en apport d’histoire nationale. Il est colérique, fourbe, sans principes mais avec beaucoup de peaux. C’est le signe le plus grave de la fragilité de ce pays et la preuve que rien de solide n’a encore été construit, après les outres d’eau de nos ancêtres.
29 novembre 2012
Kamel Daoud