Meftah Najahi, Prix Tayeh, Maâk ya el Khadra, Maâk ya Dzair, Gosto, Aich la vie, Aiche le foot, Rezki & Rezki, Batel, Sahla, Hala , Derti Hala, Jazair Sakna fi Kalbi, Crédit Bayti, Inchallah Ya Rabi, H’na Daymine, Dima Maakoum, Maâk yal Khadra Zidi L’Kedem,Tem Tem,Yal Khadra Darti Hala , Hadi El Bidaya ou Mazel Mazel , Kounek Chef et derniers en date, encore plus longs Bassmett ramadan etdawina ou plus courts M’henni, Hijri, Ibtissam, Arsalli ou plus iconoclastes, Tawfik. Dépassés, enfoncés les traditionnels Saha Aidkoum et les Aidkoum Mabrouk ! Des slogans publicitaires ou parties de slogans qui donnent le tournis et ne les comprend pas qui veut, même si le concepteur-rédacteur originel a cru et croit tout le contraire. Encore que les succès commerciaux sont là pour contredire nos affirmations. Paradoxe des comportements quotidiens de nos concitoyens ! Il est vrai que l’acquisition et l’utilisation du téléphone portable, l’accession aux prêts et aux facilités bancaires pour acquérir un logement et, hier, un véhicule, la consommation effrénée de laitages ou de sucreries sont liés à des réflexes plus affectifs que raisonnés. On vient à peine de sortir de l’étape de l’écriture Sms, qui a zappé, pour un temps (mais qui a déformé tant le signifiant que le signifié), l’écriture traditionnelle en caractères latins – en attendant l’arabe et le tamazight, si ce n’est déjà fait – en prenant des raccourcis bien souvent incompréhensibles tant pour le commun des citoyens que pour les élites. On s’en souvient, les dits-sms avaient même envahi les affiches publicitaires rendant encore plus dangereuse la circulation routière. Le temps de déchiffrer et vous voilà dans le décor! Ni l’Arpt (car cela concernait en bonne partie des opérateurs de téléphonie mobile), ni le Haut conseil de la langue arabe ou l’Académie de la langue arabe (si ! si ! ça existe bel et bien, ces machins-là) n’avaient «pipé» mot. Qu’il est loin le temps où l’Etat avait «pondu» un texte réglementaire obligeant les institutions à ne plus dire et écrire (en français) Darak El Watani mais Gendarmerie nationale et plus (en français) Harass El Djoumhouri mais Garde Républicaine .
Depuis un certain temps déjà, les placards et les affiches publicitaires nous offrent des messages contractés mais ,aussi, relevant d’un autre monde linguistique. Ni vraiment français, ni totalement arabe et encore moins amazigh. Un patchwork de mots d’arabe parlé quasi-local, sinon de quartier, assez «houmiste» écrit en caractères latins. Prononcés, les slogans sont compréhensibles par les seules «tribus» ou régions concernées , mais ils sont difficilement lisibles par une bonne partie de la population, en tous cas celle non rompue à la lecture rapide de messages étrangement écrits. Et, même le bon francophone risque de ne pas se retrouver dans un langage qu’il n’a pas assidument fréquenté. Il y a donc quelque chose de «pas normal» au royaume de la com’ et de la pub’ nationales ! Même si l’on sait que le langage publicitaire est réputé «emprunteur» (voir Ibtissem Chachou, in revue Resolang, université d’Oran, 6-7, 2011) Et, il y a de quoi s’interroger sur l’honnêteté commerciale de annonceurs, sur les capacités créatrices des publicitaires, sur la «rapacité» des diffuseurs ainsi que sur les volontés réelles des autorités de contrôle et de régulation quand elles «existent». Les uns , basant leur pratique (de qualité, il faut le reconnaître) sur des théories tout autant étranges qu’étrangères, conseillés, pour certains, par des expériences ou des «consultants» étrangers, de Paris, Tunis, Rabat ou Beyrouth ou Le Caire ; les autres ayant, paraît-il , des préoccupations plus urgentes ou acoquinés avec les premiers , «laissant faire» sans se rendre compte que le temps joue en faveur des expériences cumulées créant ainsi une sous-culture avec une «langue» qui n’est plus qu’un langage de mutants.
Résultat des courses : chez les nouvelles générations, on ne sait plus parler et comme on ne sait pas encore (bien) écrire, on devine la suite! Hélas, demain, c’est déjà aujourd’hui. Seuls échappent à la catastrophe quelques nantis du «bouzellouf». Tout le reste «merdoie» dans un vocabulaire bien pauvre, mélange de très mauvais français et de très mauvais arabe, sans aucun échafaudage grammatical. Qui se dit mais ne s’écrit pas. Bien souvent incompréhensible pour la majorité de la population. A ce train-là, on risque fort de se retrouver écrivant en caractères latins une langue parlée arabo-algérienne (les Turcs, au moins, en leur temps, avaient tout codifié avant de s’y lancer volontairement) ou, en caractères arabes, une langue parlée compréhensible seulement par les Algériens. Les Egyptiens, au moins, en leur temps, ont réussi à presque imposer la leur par le biais d’une «invasion culturelle» diaboliquement étudiée, facilitée et aidée, chez nous, par une «compréhension» aux effets aujourd’hui désastreux. Il ne s’agit pas de tout interdire, car ce serait limiter le champ de la créativité qui a besoin de liberté. Il s’agit seulement, et en urgence, de rappeler aux annonceurs, comme aux régisseurs et aux éditeurs , les règles minimales à respecter afin de former un consommateur de qualité qui, avant de consommer, a bien compris le message publicitaire. Pour, alors, consommer durablement. Des textes réglementaires sur la publicité sont une urgence nationale. Encore une autre ?
Tout en attendant que les «fonctionnaires» du ministère de l’Education nationale, ceux de l’Académie de la langue arabe et tous les autres, ceux des divers Conseils, arrivent à nous sortir de ce bourbier langagier en proposant d’abord à nos enfants , à l’école , une nouvelle langue nationale, assez algérienne, c’est-à-dire adaptée à une vision d’avenir dynamique, bien construite, pratique et belle. La solution (miracle ?) au ministère de l’Education nationale, là où se prennent les décisions concernant le système éducatif national: il faudrait nommer des jeunes de moins de trente ans, quadrilingues (arabe, français, amazigh, anglais ) et passionnés d’informatique et de Ntic. A bas les Tab Djanhoum!
Par le passé, le miracle allait se réaliser avec un vénérable vieillard, M. Lacheraf, qu’on a vite renvoyé à ses cogitations généreuses, désintéressées et utiles, sans lui laisser le temps de mettre en œuvre son projet Aujourd’hui, ce sont surtout des octogénaires (il paraît, en Algérie, qu’à moins de soixante-dix ans , on est encore un «jeune» j’ai vraiment du «pot» durant quelques mois ) et plus qui, dans les coulisses ou à partir de leur lieux de retraite, veulent réaliser leurs rêves de jeunesse, oubliant que ceux-ci n’existent plus que dans leur imagination
Ps : Le phénomène est, aussi, perceptible au niveau de la presse écrite (et, bien souvent, on le relève à la radio et même à la télévision). Si les journalistes de langue française «jouent» , très exceptionnellement , avec les mots empruntés à la langue arabe populaire (dardja) dans un but pédagogique , plus pour faciliter la compréhension ou pour donner de relief aux écrits ; au niveau de la presse de langue arabe (la presse sportive plus que toute autre, mais la presse d’informations générales aussi) , la «pollution» est bien réelle et de plus en plus importante avec un emprunt, plus qu’exagéré (et devenu naturel chez certains ) à la langue française , d’expressions désormais inscrites dans le langage populaire. Il y en eut de tout temps, mais aujourd’hui le populisme langagier, facile (qui est bien loin du langage populaire) dépasse tout entendement : Mdigouti, Cousina, Batimate, Paraboule, Tomboula, Miziria, Qounji, Khartoucha, Fourgoun, Bazar, Batrounat, Barronate, Mir, Sighl, Iguardef, Zmagra, Chambiouna C’est vrai, la langue doit évoluer, mais cette évolution doit absolument être «validée» ou «invalidée» par une Académie (qui n’existe en Algérie que sur papier), démocratique, ouverte sur tous nos parlers et moderniste sans exclusive, source de production de lexiques pour enfin créer enfin (ou aider à l’émergence) une langue algérienne que tous aimeront, et surtout comprendront
Extrême urgence signalée !
29 novembre 2012
Belkacem AHCENE DJABALLAH