Il est des Algériens (les sexagénaires et plus) qui, quels que soient les lieux où ils se trouvent et, quels que soient leurs itinéraires personnels ( littéraires ou autres) qui resteront à jamais «marqués» par le 5 juillet 1962. Ce « jour-là », une date-symbole, celle du pays qui accédait à l’Indépendance. Oubliée la guerre et ses drames. Oubliés les « ratonnades » et les attentats de l’Oas. Oubliées les peines des aînés et les souffrances du peuple. Ce « jour-là », « un jeudi de grande chaleur » comme le rappelle Nouredine Saadi en introduction, le pays fêtait, « dans une immense liesse, comme il n’en connaîtra plus jamais d’aussi festive ni d’aussi pleinement partagée, son indépendance ..» (peut-être la dernière qualification à la Coupe du monde de football ! c’est à dire près de cinquante ans après, ce qui fait long, trop long) L’ouvrage réunit plusieurs contributions, chacune racontant, avec son style et sa personnalité propre son ressenti .. de l’époque. Tâche assez difficile, tant les années effacent les souvenirs les plus joyeux te les plus incrustés les cinquante ans qui ont suivi n’ayant nullement arrangé les choses, au contraire. Certains contributeurs n’y sont pas allés avec le dos de la cuillère, l’amer ayant surclassé le doux .et l’exercice de style ayant pris le pas sur le souvenir. Par contre, d’autres ont été beaux et sublimes comme Alice Cherki avec son texte « j’y étais » qui est fait tout d’émotion ou encore celui de Maissa Bey, « vertige vert, blanc rouge » ou encore celui de Mohamed Kacimi …
Avis : A lire, bien sûr. En sus, vous avez, en introduction, un très beau poème sur Juillet 1962 de Anna Greki qui dit tout son amour pour la liberté enfin retrouvée.
Phrases à méditer : « L’inconscient colonial a la vie dure (Alice Cherkit) et « Il ne faut jamais cesser une guerre avant de l’avoir gagnée et une victoire n’est jamais la fin d’une guerre ? L’indépendance est un pénible et interminable combat » (Boualem Sansal).et « Le désillusion, voilà le traître mot que je ne voulais ni entendre ni rencontrer dans mon autre existence. Un mot qui devint, malheureusement, une réalité . » (Badr’Eddine Mili)
Le pouvoir. 1962-1978. Face voilée de l’Algérie . Ouvrage documentaire et historique de M’hamed Yousfi.
Editions Mimouni . Alger 2012. 255 pages, 700 dinars
Je pense que nous n’en avons pas fini avec les « analyses critiques du système politique algérien », né avant, dans et après la guerre de libération nationale. Une Révolution qui n’a pas fini de faire parler d’elle . chez nous et ailleurs, tant il est vrai qu’elle a été si grande et si influente sur le cours politique du monde contemporain , alors en partie colonisé politiquement ou dominé économiquement, qu’elle a fini par , sinon traumatiser, du moins perturber tous les autres ; certains admiratifs, d’autres envieux ou rancuniers. Abdelkader Yefsah, un universitaire, avait , en son temps, déjà dans les années 80, ce qui était une véritable prouesse (de l’auteur et .de l’éditeur de l’époque, l’OPU) décortiqué « la Question du pouvoir en Algérie ». Peu d’autres universitaires et chercheurs universitaires ont osé suivre le chemin ouvert . Nous n’avons vu, jusque là, ici, que des écrits de politiciens (surtout des plaidoyers) , de moudjahidine (surtout des mémoires) , de journalistes (surtout des essais) dont la plupart sont chargés de subjectivité, restant donc incomplets, ayant peu ou pas d’influence sur les comportements politiques de nos concitoyens et de nos dirigeants et autres décideurs. Cela ne veut aucunement dire que les écrits ne sont pas utiles. Tout au contraire. Ils permettent aux lecteurs du genre (encore rares, hélas, et destinés à une certaine élite qui veut et sait lire) à mieux comprendre le pourquoi du comment de situations actuelles parfois en apparence illogiques ou irraisonnées. M’hamed Yousfi, moudjahid, ancien membre du CC du PPA, premier DG de la Sûreté nationale, ex-ambassadeur en Suisse, s’escrime, depuis 1975 , à « relater » les faits de l’histoire contemporaine vécus par l’Algérie avant, durant et, dans cet ouvrage, juste après l’Indépendance. Il raconte donc Ben Bella, puis Boumediène, . Ben Bella et Boumediène l’indépendance (et le rôle joué par «les jeunes théoriciens» qu’étaient M. Harbi et H. Zahouane), les ratages benbellistes . le coup d’Etat du 19 juin 65 (une cinquantaine de morts sur l’ensemble du territoire) le rôle joué par Abdelaziz Bouteflika (la « tête pensante de Boumediène » selon la presse étrangère de l’époque) .et la « dictature » qui a suivi ..
Avis : Le dire, c’est bien. L’écrire c’est bien mieux. Tout dire, c’est super ! De plus, la conscience, «libérée», est tranquille.
Phrases à méditer : « L’Algérie qui semble en proie à une crise politique, sociale et économique permanente, dont les racines plongent dans le passé, donne l’impression de nager entre deux eaux » (Introduction, p. 9)
Jacques Chevallier. L’homme qui voulait empêcher la guerre d’Algérie. Ouvrage historico-documentaire de José-Alain Fralon. Casbah Editions. Alger 2012. 310 pages, 750 dinars
Un grand homme de l’Algérie coloniale , Jacques Chevalier, « Hoppalong Cassidy »? Peut-être, surtout si l’on apprend qu’il a tout fait, sous son étiquette « droite libérale », pour concilier des positions extrêmes. Celle des « pieds noirs » radicaux (et, ils étaient la grande majorité) qui n’arrivaient pas à se départir de leurs positions quasi-racistes donnant, à l’Algérie, un air d’apartheid (certains lobbies voulaient même en faire, dit-on, une autre Afrique du Sud) , et celle des combattants pour la libération du pays du joug colonial et son indépendance. Peut-être l’influence de la société américaine (sa mère est originaire de Louisiane) dont il est en partie issue ? On dit qu’il a influencé alors le jeune sénateur J. F. Kennedy . Info ? Intox? Un grand homme ? Pas si sûr, sachant que son engagement n’a pas été aussi clair et aussi loin que celui de tant d’ autres catholiques comme Chaulet , Duval, Scotto, Peyrega, Mandouze… En, tout cas, un grand maire qui a su , avec l’aide de Fernand Pouillon, en peu de temps développer la ville d’Alger. En tout cas, un amoureux fou de l’Algérie. Il a voté, sans se cacher derrière les rideaux de l’isoloir, pour l’Indépendance du pays. Il y est resté, il y est mort, il y est enterré. Entre-temps, toujours avec Pouillon, il a réalisé nos fameux complexes touristiques Peut-être pas un révolutionnaire. Mais certainement un bâtisseur ..
Avis : A lire, ne serait-ce que pour connaître un autre versant de notre Histoire contemporaine
Phrases à méditer : «Si j’étais au pouvoir, je traiterais l’Algérie comme je traite ma femme, avec un gourdin dans une main et une bourse pleine d’or dans l’autre» (Pierre Poujade, «homme politique» français de droite, 1956) et «Je suis enfin rentré chez moi. Maintenant, je peux mourir» (Jacques Chevallier ,8 avril 1971 .. juste avant sa mort le 13)
22 novembre 2012
Belkacem AHCENE DJABALLAH