Les codes communal et de wilaya sont-ils une fausse bataille politique? C’est ce qu’affirment souvent d’anciens élus, refroidis par une expérience dans les communes, surtout. Le maire semble avoir beaucoup de choses contre lui et pas seulement les fameux codes. Dans une étrange cacophonie du multipartisme, les élections locales, déjà mises en orbite, ne soulèvent guère la question des «pouvoirs» du maire. Le jeu de concurrence, même à vide, ne se préoccupe pas des cahiers de doléances des anciens élus sortants. «L’opposition» aux textes de loi ne se manifestent que sporadiquement, au sein de l’APN, portée par des députés qui eux ne souffrent pas de cette camisole de faiblesse, chargés qu’ils sont d’un autre mandat dit national. «On parle souvent du salaire des députés mais croyezmoi, s’il y a des élus qui méritent le triple de leur salaire actuel, ce sont les maires de l’Algérie. Ils assurent une mission qui n’a rien à voir avec la représentativité dans les deux Chambres hautes», nous dira un jour un ancien wali d’Oran. Ceci pour les salaires. Reste la question des prérogatives: sont-elles limitées uniquement par les codes et les textes? «Faux débat», nous dira un ancien maire en Oranie, devenu aujourd’hui sénateur. «J’ai fait les trois paliers: maire, élu APW et aujourd’hui sénateur et croyez-moi je parle par expérience: le drame des mairies ce n’est pas le code, c’est le reste» nous affirme notre interlocuteur. Le reste? «D’abord les citoyens de la commune: une gestion par culture du soutien a encouragé une sorte de mentalité attentiste chez les citoyens: la mairie n’est pas vue comme un centre de cogestion du bien commun mais comme source de rente et de distribution de la rente. Pire encore, on continue de regarder le maire d’aujourd’hui avec les attentes des années 70 alors que l’élu a perdu de ses pouvoirs et de ses possibilités d’intervention», nous dit-on. Le code de la commune «n’est pas la source de nos maux, c’est ce qui se cache derrière : les autres textes de gestion». Pour notre source, «il ne sert à rien de réformer le code tant qu’on ne réforme pas les lois et les textes concernant l’environnement, le fisc, l’emploi, le foncier, l’entreprise et le commerce par exemple : un maire est plus ligoté par l’administration que par le wali ou le chef de daïra. La direction de l’environnement procède selon des textes de loi qui ne se soucie pas de ce que veut ou décide le maire d’une commune par exemple». «Ce qu’il faut, c’est réformer tous les textes et les revoir en urgence». Cet état des lieux de sinistre passif éclaire un peu autrement et avec critique les ambitions de l’actuel gouvernement. «J’ai lu le texte de programme de l’actuel Premier ministre : il est honnête et ambitieux. Mais un peu trop». Selon beaucoup d’observateurs, ce programme est «irréaliste» car «il ne prend pas en compte le sinistre des communes, cellule de base pour tout projet de relance. «Parler d’un million de logements est bien mais avec qui? Les actuelles mairies? Les actuelles entreprises dans les communes? Les ressources humaines sous formées?». La maladie des maires algériens ne se limite donc pas seulement «au code de commune. Il faut que la commune se ressource, que les administrations de wilaya soient en mode consultatif avec elle. Que la ressource humaine y subisse une révolution et que le recrutement y soit de qualité et que l’assemblée fonctionne comme une entreprise, avec ressources financières, création de plus-values, salaires intéressants et accès et gestion des gisements fiscaux», nous dit-on. Sans cela, l’APC sera encore une cellule d’assistanat et le maire et un élu assisté. «Pas de quoi espérer de meilleurs jours, ni pour l’Algérie profonde, ni pour les programmes ambitieux des différents gouvernements». On est donc loin de la situation de blocage qui serait due seulement aux cycles de retrait de confiance, maladie infantile du pluralisme ou au code de la commune. «Le mal est beaucoup plus profond et va en s’accentuant».
Mohammed Benzekri
14 NOVEMBRE 2012 www.lecarrefour-algerie.com
15 novembre 2012
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