De Bill Clinton à Robert Redford, d’innombrables soi-disant experts ont mis Sandy sur le compte du changement climatique. Exemple flagrant : le magazine Bloomberg Businessweek qui a mis en grand titre «C’EST LE RÉCHAUFFEMENT PLANÉTAIRE, STUPIDE» sur sa photo couverture d’un Manhattan inondé.
Bien sûr, le réchauffement planétaire est réel et la réduction des émissions de CO2 est une bonne idée surtout lorsque le coût de ces réductions est inférieur aux dommages évités. Il y a aussi un brin de vérité dans le lien entre les ouragans et le réchauffement planétaire : le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat des Nations Unies (GIEC) prévoit des ouragans plus puissants, mais moins fréquents d’ici la fin du siècle.
Mais la fin du siècle n’est que dans 88 ans et l’accusation actuelle du réchauffement planétaire est peu convaincante comme le laisse croire l’origine de la manchette de Bloomberg un «gazouillis» de 134 caractères. Dans son rapport 2012 sur la gestion des risques des évènements extrêmes, le GIEC a fait état de son peu de confiance dans toute thèse associant les ouragans au réchauffement planétaire.
Les auteurs de l’un des principaux articles scientifiques d’où sont tirées les études de l’ONU en la matière l’énoncent très clairement : «Il est prématuré de conclure que les activités humaines ont déjà eu des incidences détectables sur l’activité des ouragans dans l’Atlantique». Il sera impossible, faute de données suffisantes, de détecter d’éventuelles incidences «avant la fin du siècle».
En fait, les États-Unis n’ont subi aucun ouragan de catégorie 3 ou au-dessus depuis Wilma en 2005. Ces sept dernières années sont en fait la plus longue période de temps sans ouragans de force majeure depuis plus d’un siècle ; l’ouragan Sandy a même été déclassé du niveau d’ouragan à celui de tempête avant qu’il ne vienne frapper New York, et les médias l’ont alors affublé du vocable de «méga tempête».
Mais lorsque Bloomberg avance que Sandy était la tempête la plus coûteuse de l’histoire des États-Unis et que ces phénomènes ont des conséquences pour «la survie de la race humaine», il est nécessaire de remettre les cadrans à l’heure. Cette affirmation est tout simplement erronée, car il n’y a qu’à se rappeler la facture des dégâts causés par l’ouragan Katrina. En vérité, en tenant compte de l’inflation et de la croissance des collectivités côtières, Sandy n’occupe que le 17e rang au palmarès des tempêtes des États-Unis. Sans compter que la tendance de fréquence et de puissance des ouragans atteignant le littoral américain depuis 1900, a légèrement fléchi et non l’inverse.
D’autre part, à l’échelle planétaire, l’énergie de tous les ouragans des quatre dernières années (y compris Sandy) a été à son plus bas depuis les années 1970. Et, même si les ouragans seront probablement de 2 à 11 % plus puissants d’ici la fin du siècle, ils seront moins fréquents, alors que les sociétés seront plus résilientes, les coûts totaux des dommages devraient passer de 0,04 % à 0,02 % du PIB mondial pour cette période.
Mais le vrai danger de ces grandes déclarations sur Sandy et les changements climatiques est autre part. Il découle de l’argument qui finit toujours par suivre : un lien insidieux que l’on veut faire entre le réchauffement planétaire et la destruction matérielle, et aussi qu’il faut aider les futures victimes des ouragans en réduisant les émissions CO2 dès maintenant. Selon Redford, nous avons besoin de «réduire la pollution au carbone qui alimente ces tempêtes». Comme bien d’autres, il trouve déplorable qu’il existe encore des sceptiques climatiques : «En ignorant les données scientifiques, ils déshonorent les êtres humains qui souffrent à cause du changement climatique».
Malheureusement, c’est justement en ne portant son attention que sur la réduction du CO2 que l’on banalise la souffrance humaine, car toute coupe des émissions carbones un tant soit peu réaliste ne fera absolument rien pour les 50 à 100 prochaines années.
Prenons la hausse du niveau de la mer, qui a été de loin la principale cause des dommages subis par New York. Les modèles indiquent que la politique climatique mondiale la plus ambitieuse, le programme «20-20-20» de l’UE, affichera un coût net annuel d’environ 250 milliards $ pour le reste du siècle, ou un total approximatif de 20 trillions $. Or cela ne fera baisser le niveau des océans que de neuf millimètres d’ici 2100. Si les États-Unis s’engageaient dans le même genre de programme, les coûts et les avantages seraient probablement du même ordre : une réduction de deux centimètres du niveau de la mer d’ici la fin du siècle pour une facture nette annuelle d’environ 500 milliards $.
Étudions plutôt un scénario beaucoup moins réaliste : celui où nous parvenons à convaincre le monde entier y compris la Chine et l’Inde de souscrire presque immédiatement aux coupes radicales des émissions de carbone et où l’on parvient à soustraire le CO2 de l’atmosphère, le niveau de la hausse des océans ne serait réduit que de 18 à 45 cm avant la fin du siècle. Les modèles indiquent que les coûts, d’ici là, seraient d’au moins 40 trillions $ annuellement.
Comparez cela aux vraies préoccupations des instances de la ville de New York : à savoir la probabilité de 3,3 %, et ce, sans réchauffement planétaire, que chaque année un ouragan de catégorie 3 frappe New York. Ceci causerait des ondes de tempête de plus de 7,5 m (environ trois mètres au-dessus de celles de Sandy), qui engloutiraient l’aéroport Kennedy sous six mètres d’eau. Une grande partie des risques pourraient être gérés en érigeant des digues, en construisant des portes étanches des entrées de métro et des choses simples comme des revêtements poreux à un coût annuel d’environ 100 millions $.
Sandy a fait ressortir une question fondamentale pour toutes les régions du monde qui subissent les ouragans. Si l’on veut en réduire les dégâts, ne devrions-nous pas concentrer nos recherches sur des solutions les moins coûteuses possible qui nous permettraient de mieux contrer les effets des houles de tempête d’ici les prochaines années ? Au lieu de prêcher une solution tellement onéreuse qu’elle nécessite près d’un siècle pour retrancher neuf millimètres à des vagues de 7,5 m ?
La réponse moralement défendable est évidente, et elle n’a rien à voir avec des réductions immédiates des émissions de CO2.
TRADUIT DE L’ANGLAIS PAR PIERRE CASTEGNIER
* Professeur adjoint à l’école de commerce de Copenhague, fondateur et directeur du Copenhagen Consensus Center
15 novembre 2012
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