Beaucoup se réjouissent du printemps arabe, d’autres, le voyant muer en hiver islamiste, le pleurent déjà. On croit que c’est une histoire de saisons alors que ce n’est rien d’autre qu’une banale question de couleurs. Plutôt vert que rouge !
Voilà ce qu’ont dû se dire certains qui voyaient leurs intérêts dans les pays du printemps menacés. Ils ont donc laissé les peuples se révolter, ils ont condamné les répressions, ils ont pesé de tout leur poids en faveur de ce qui devait être des transitions démocratiques. Avec des regrets, parce qu’au fond, ces dictateurs les arrangeaient bien, certains étaient des marionnettes serviles et d’autres des alibis, des boucs émissaires. Et c’est ainsi que les dictateurs, quand ils furent poussés vers la sortie, sentirent moins la main des peuples sur leurs dos que celles des émirs du Golfe, des services secrets européens ou arabes ou même celles de certains journalistes ou philosophes. Voilà ! On venait de faire le vide et comme le vide n’arrange jamais personne, on s’est mis à le combler, et à le combler de façon à préserver ses intérêts. Et c’est là que tout à coup, dans certaines capitales à gratte-ciel, on s’est mis à voir d’un mauvais œil ces révolutionnaires qui, hier encore, occupaient Le Caire, Tunis ou Tripoli. On voyait rouge, on avait peur que les révoltés qui après avoir vu leur désir de faire déguerpir les despotes réalisé, échangent leur slogan «dégage» pour un «Viva la Revolucion !» et substituent à Kadhafi, Moubarak ou Ben Ali des équivalents de Chavez, Correa ou Morales. Ces puissances ont eu peur que ces peuples «libérés» chavirent à gauche et adoptent la révolution dans son acception la plus noble, c’est-à-dire la populaire, la sociale, la rouge, comme philosophie, ce qui aurait mis fin au néocolonialisme dans cette région. Il fallait donc trouver un substitut au rouge, une couleur qui irait mieux avec les aspirations de ces prestidigitateurs, protégerait leurs acquis tout en sauvant l’apparence de changement et de souveraineté retrouvée par les peuples. Pourquoi pas du vert ? Mais entendons-nous bien, pas du vert écolo, mais du vert qamis, du vert à faire pousser des barbes et à raccourcir les pantalons, du vert à fouet, du vert à castes, du vert obscure, rétro, donc du vrai vert anti-rouge. Le vert présentait beaucoup d’avantages, il est utilisé depuis longtemps, on l’a bien en main, on sait s’y prendre avec lui. Le vert est facilement manipulable sans même avoir besoin d’y toucher directement, on a des intermédiaires fiables et zélés qui pourront jouer cette carte en donnant une grande illusion de légitimité vu qu’ils en sont idéologiquement et je serai tenté de dire «ethniquement» assez proches. Le vert est facilement corruptible. Mais surtout, le vert, comme tous les autres extrémismes, rassemble les masses désespérées et angoissées, les unit et les plonge dans une ignorance soporifique. Rien de tel que le vert pour lancer une société dans une marche inexorable en arrière. Le vert entretient la psychose chez lui et ailleurs, le vert peut donc faire une très bonne diversion. La couleur était trouvée ! Il ne restait plus à ces puissances qu’à mettre la révolution entre les mains de leurs «verts» et pour cela, rien de plus facile ; médias corruption, manipulations et menaces. On avait ressorti la bonne vieille recette pour faire le bon vieux plat d’antan dans les mêmes vieilles marmites. Un bonne soupe verte, aigre ou douce, selon qu’on la goûte de dedans ou de dehors. En Tunisie, en Libye et en Égypte, la soupe est prête, on se met déjà à table. En Syrie, la marmite bouillonne encore, mais là, c’est une autre histoire…
Hassane Saadoun, Bouira
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http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/11/04/article.php?sid=141007&cid=49
7 novembre 2012
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