Corruptions : CELLULE DE TRAITEMENT DU RENSEIGNEMENT FINANCIER ET LUTTE
Le président de la Cellule de traitement du renseignement financier (CTRF, rattachée au ministère des Finances) est intervenu à la radio le 29 octobre dernier, le jour même où le gouverneur de la Banque d’Algérie présentait aux députés son rapport sur la situation financière du pays. Créée en 2002, installée en 2004, la CTRF manque de moyens pour remplir sa mission en matière de lutte contre le blanchiment d’argent. Et surprise : c’est son président qui l’affirme !
La CTRF est chargée de recevoir, d’analyser et de traiter les déclarations de soupçons relatives aux opérations bancaires ou financières susceptibles de constituer des infractions de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme. Cet organisme ne brille pas par des bilans conséquents. Il y a quelques années, le précédent président de la CTRF avait fait savoir qu’en 2006 2 dossiers avaient été transmis à la justice et en 2007, sur 85 déclarations de soupçon transmises à la CTRF, un seul avait été transmis à la justice après sept mois de traitement et d’analyse. Il avait rappelé que la CTRF était devenue opérationnelle à partir de 2004 et avait commencé d’abord par s’organiser puis par une activité de sensibilisation des «entités déclarantes» pour les informer, leur faire prendre conscience et, pour certains, les former. La CTRF avait prévu des regroupements avec les assureurs, les notaires (pour la typologie de l’immobilier) et les avocats. Est-ce que cela a été fait ?
5 400 déclarations de soupçon seulement de 2005 à 2011 !
Entre 2005 et 2011, les institutions bancaires algériennes ont transmis à la CTRF pas moins de 5 454 déclarations de soupçon — dont près de la moitié, 2 567 pour la seule année 2011 — autour d’opérations financières inhabituelles, chiffres avancés par le président de la CTRF le lundi 29 octobre à la radio. «Notre cellule doit enquêter sur les déclarations qui nous parviennent et lorsque le crime est constaté, nous saisissons le procureur de la République», a-t-il précisé. La presque quasi-totalité de ces déclarations est faite par les banques, les notaires, avocats et commissaires aux comptes ne jouant pas le jeu, ce que semble déplorer le président de la CTRF : «Bien qu’elles soient soumises à la même obligation de communiquer sur les opérations douteuses, les institutions financières non bancaires ne nous ont jamais adressé la moindre déclaration de soupçon», a-t-il ajouté, en soulignant que les notaires, les concessionnaires, les commissaires aux comptes font partie de cette catégorie de professionnels soumis à la réglementation, en matière de déclarations de soupçon. Mais alors que faut-il faire pour que la loi soit appliquée ? Il souhaite que la lutte contre le blanchiment d’argent ne se limite pas à attendre que des déclarations de soupçon atterrissent sur son bureau. Terrible aveu d’impuissance ! Reconnaissant au passage le manque de moyens financiers et humains que subit la CTRF : seule une vingtaine de personnes y exerce, ce qui est à peine croyable, alors que le blanchiment d’argent connaît une explosion sans précédent en Algérie. «Un nouveau décret portant sur la modernisation de la cellule est sur les bureaux du gouvernement», a ajouté le président de la CTRF.
38 missions de contrôle seulement en 2011
Selon son gouverneur, la Banque d’Algérie a mis en branle son dispositif de contrôle interne des banques et établissements financiers pour lutter contre le blanchiment d’argent et le transfert illicite de devises. C’est ainsi que 38 missions de contrôle des filiales et services des établissements financiers publics et privés ont été menées durant l’année 2011. Ces opérations ont été effectuées dans 20 établissements financiers sur les 27 existants en Algérie. «Ces opérations ont permis un examen objectif du phénomène du blanchiment d’argent et du transfert des fonds dans les transactions du commerce extérieur». 19 opérations de ce genre, effectuées dans onze établissements, ont été consacrées à la lutte contre le transfert illicite des fonds dans le commerce extérieur. «Des rapports confidentiels ont été adressés à la cellule de traitement de l’information financière et du système monétaire ainsi qu’aux procureurs de la République des territoires concernés», a indiqué le gouverneur de la Banque d’Algérie le 29 octobre 2012 devant les députés. Un bilan bien maigre quand on sait l’étendue du blanchiment d’argent, du transfert illicite de devises et de la fuite des capitaux. Comment peut-il en être autrement, face à l’absence de volonté politique et avec le très peu de moyens octroyés aux institutions algériennes en charge de la lutte contre la criminalité transnationale organisée et faisant fi de l’indispensable coopération internationale.
Djilali Hadjadj
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/11/05/article.php?sid=141056&cid=11
6 novembre 2012
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