Cela s’appelle la terreur. Une dose de délinquance dans un enclos à drapeau est toujours utile pour donner du sens à l’autoritarisme. La «police politique» est donc chez nous plus puissante, plus équipée, mieux payée, que la police contre la délinquance. Elle a même plus de pouvoir. La menace n’est pas celle sur une femme volée en plein jour à Oran, mais celle sur le Régime. Du coup, la grâce saisonnière. On pardonne à ceux qui agressent le bon peuple qui passe et on ne pardonne pas à ceux qui s’opposent. Que faut-il faire donc ? Au choix : s’armer pour se défendre soi-même, ses enfants, sa femme et ses proches. Ou obliger le Régime à avoir un sac à main, se promener seul en jupe dans la rue, avoir un téléphone portable, aller encaisser un chèque et le voir se faire agresser puis lui demander ce qu’il pense de ses faveurs saisonnières et des indulgences de Roi.
La question de la sécurité est essentielle. Mais celle de qui en premier ? Moi, vous, lui ? Ou Lui et les siens et ceux qui l’entourent ? Cela dépend. On définit un régime par ce qu’il défend en premier. La terre ou l’aéroport. La présidence ou la patrie. Le lecteur ou l’électeur. Donc pour maintenant, on le sait. Dans la magnanime irresponsabilité, on décide et on libère. Pas l’ENTV comme promis depuis des mois, mais le voleur de sacs. Pas la parole mais le couteau. Chacun a ses priorités et ses garde-corps. Donc on continue. Dans cette étrange gestion des flux intestinaux du pays: reloger, libérer, emprisonner, faire naître puis cadenasser et abêtir.
Le policer algérien le sait d’instinct: il a plus peur des supporters d’un stade en hystérie que d’une marche de lettrés qu’il peut frapper sans se soucier. Les premiers peuvent répondre par la matraque, les seconds seulement par écrit.
6 novembre 2012
Kamel Daoud