Il tire de la poche arrière de son pantalon une liasse de billets de banque (de nos jours, le fric avait tellement de valeur qu’on l’engouffrait à l’intérieur du veston, près du coeur, et non proche du fessier…).
-«Cinq mille dinars, monsieur».
Il tend au commerçant cinq de ces billets, qui comportent l’effigie d’un buffle, mammifère ruminant, l’insulte. Le boucher, sourire bien affiché aux lèvres, lui lança mielleusement à la parisienne, le merci monsieur. Cinq mille dinars de viandes et dérivés… Mes deux cent cinquante grammes de «kefta» avaient honte dans leur «haïk» en papier, au moment où, bleu de peur, le billet que je tendais au commerçant frémissait entre mes doigts.
A l’extérieur de la boucherie, une voix disait «koul, khouya, koul».
-«Quelques os pour les chiens», ponctua le jeune premier avant de sortir.
- «Rani klite», répondit une autre voix off. Mais d’où leur vient tout ce fric, à ces gens qui vivent si mouloukène – ment ? Ils sont plus jeunes que moi, ils n’ont pas eu théorique – ment le temps de travailler plus que moi, et gagner autant. Ils roulent pourtant les mécaniques dans des carrosseries sorties des derniers salons de l’automobile.
-«Est-ce que je peux avoir quelques abats de poulet pour le chat… s’il vous plaît ?…».
Le boucher du regard m’envoya un Scud… Hé oui, à chacun sa ménagerie…
- Koul, disait toujours la voix off…
C’était deux hommes qui jouaient aux dames.
3 novembre 2012
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