Le pire, dans ce feuilleton vaudevillesque, intervenu en pleine célébration du déclenchement de la glorieuse Guerre de libération nationale, c’est qu’un autre sénateur est venu joindre son… bras à celui de cet ancien ministre de la Défense sous Sarkozy, par ailleurs, repris de justice pour avoir été l’artisan, durant les années 60, d’une ratonnade, dont les annales parlent encore aujourd’hui. Décidément, les grands nostalgiques de l’Algérie française,maladivement atteints de cet incurable syndrome du paradis perdu, n’hésitent plus à se donner en spectacle, et à passer pour de véritable «minus» aux yeux de leurs électeurs, de leurs proches et même de leurs familles. Le comble de l’ignominie stérile vient ainsi d’être atteint par l’ancien ministre de la Défense française sous le règne de Nicolas Sarkozy. Gérard Longuet, car c’est de lui qu’il s’agit, n’a pas hésité à se fendre d’un indigne et indignant bras d’honneur, en direct sur les ondes de la chaîne de télévision LCI en réponse à la demande de repentance formulée tout naturellement par notre ministre des moudjahidine, Mohamed-Chérif Abbas. La gravité d’un pareil acte, qui n’a rien à envier aux tortures, crimes, assassinats, déportations, spoliations, viols et autres vilénies commises durant la période d’occupation coloniale, se mesure également à l’aune du fait qu’il a été commis alors que l’Algérie commémore la date de déclenchement de sa glorieuse Guerre de libération nationale, qu’elle célèbre durant toute cette année le cinquantenaire de son indépendance et qu’elle s’apprête à recevoir, dans le courant du mois prochain, le président François Hollande, en visite d’État, de laquelle pas mal d’acquis sont (théoriquement) attendus. Plus grave encore, Longuet, qui a quand même regretté le fait qu’il ait été filmé au moment où il se livrait à ce geste de voyou, n’en a pas moins persisté et signé, revendiquant donc clairement sa mentalité antirépublicaine, intolérante, et inscrite en faux de toutes ces grandes et nobles valeurs qu’est censée incarner et défendre la France. Gilbert Collard, député du Gard, invité par la même chaîne de télévision, s’est livré au même geste puéril et mesquin, joignant ainsi son bras à celui de Longuet, sans même mesurer à quel point il était pathétique et ridicule à la fois. Pour sa part, une certaine partie de la classe politique française a vivement réagi. C’est ainsi que le président socialiste du Sénat Jean-Pierre Bel a exprimé sa «désapprobation » après le geste «grossier» que Gérard Longuet a adressé aux autorités algériennes sur la chaîne Public Sénat. «Les élus de la République ne peuvent à la fois dénoncer les incivilités et avoir de tels comportements», a-t-il observé dans un communiqué. Il a estimé que ce geste, de la part d’un ancien ministre, «ne peut qu’entretenir la guerre des mémoires», alors que le président français, François Hollande, doit se rendre début décembre en Algérie. Le président du Sénat considère aussi qu’«il est de la responsabilité des représentants de la nation de contribuer au dialogue des mémoires et en particulier à l’intégration du passé colonial de la France dans le récit républicain, et non d’attiser l’ostracisme et le rejet de l’autre». De son côté, le nouveau premier secrétaire du Parti socialiste, Harlem Désir, considère que «le geste de Gérard Longuet illustre malheureusement la brutalité vulgaire d’une certaine droite qui abîme trop souvent le débat républicain». Le président du Cercle d’amitié franco-algérien, Adam Benahmed, s’est dit jeudi au nom de l’ensemble des membres de cette association «outré» et «scandalisé» par le geste «inélégant et de voyou » de l’ancien ministre Gérard Longuet «envers le peuple algérien». Dans un communiqué, Adam Benahmed a appelé «l’ensemble des femmes et des hommes politiques français à la réprobation totale de cet individu qui déshonore la France et les Français et qui porte atteinte aux relations intenses, riches et amicales qui lient nos deux pays, aujourd’hui». Enfin, un haut responsable algérien, s’exprimant sous le sceau de l’anonymat, a eu ces mots si lourds de sens et de puissance : «Ce geste indigne et outrageant est la marque de fabrique de ce nostalgique de l’Algérie française, si mal dégrossi. En tant qu’Algériens, fiers et indépendants, nous ne pouvons que l’accabler de notre mépris. Il ne mérite pas plus. Laissons-le donc dans son milieu naturel : le caniveau des voyous de la République.»
Wassim Benrabah
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3 novembre 2012
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