Culture : Le coup de bill’art du Soir
Dans son essai Les identités meurtrières sorti en 1998 (Grasset, France), Amin Maalouf écrit : «Tous les conflits récents sont la cause de problèmes identitaires, le plus souvent communautaires ou religieux.
Le problème de l’identité se réduit à assumer ou tuer. En Irak, les chiites et les sunnites s’opposent alors qu’une appartenance peut les rassembler : la religion musulmane. Pendant les guerres de religions, catholiques et protestants étaient en guerre alors que tous prétendaient à la religion chrétienne. Le conflit entre Irlande du Nord et Irlande du Sud est du même ressort. Par ailleurs, le fort sentiment d’appartenance a conduit les Kosovars à proclamer leur indépendance vis-à-vis de la Serbie….» Le livre aborde donc la notion de l’identité et les conflits qu’elle peut occasionner. Maalouf donne l’exemple d’un homme né en Allemagne de parents turcs : «Aux yeux de sa société d’adoption, il n’est pas Allemand ; aux yeux de sa société d’origine, il n’est plus vraiment Turc.» Pourquoi les gens dans son cas n’assument-ils pas leurs appartenances multiples et sont obligés de choisir l’une d’elles. «A cause de ces habitudes de pensée et d’expression si ancrées en nous tous, à cause de cette conception étroite, exclusive, bigote, simpliste qui réduit l’identité entière à une seule appartenance», répond-il. Il définit ensuite les notions d’identité et d’appartenance. L’identité, fait-il remarquer, est une combinaison d’appartenances qui évoluent avec la vie, qui sont propres à chaque individu et qui sont organisées selon une hiérarchie variable. L’identité est également définie par le regard des autres et parfois par des blessures marquantes, comme les humiliations subies durant l’enfance. Une communauté se définit comme étant un groupe de personnes ayant une appartenance en commun. Selon Amin Maalouf, l’appartenance religieuse devrait être remplacée par l’appartenance «humaine ». La mondialisation, selon lui, si elle est bien appréhendée, serait très enrichissante culturellement. Mais si elle ne sert qu’une civilisation hégémonique, elle ne ferait que mener l’humanité à sa perte. Maalouf donne quelques solutions pour apprivoiser «la panthère», de l’identité. D’abord, le principe de réciprocité, selon lequel il faut que se crée un patrimoine universel dans lequel tous pourraient se retrouver, et ainsi, primerait avant tout l’appartenance humaine. Ensuite, la mondialisation qui s’attaque principalement aux langues devrait être combattue par l’apprentissage des langues. Enfin, si l’on se considère d’une civilisation démocratique, il ne faut pas voter «automatiquement», c’est-à-dire, pour son ethnie, car c’est un vote identitaire qui ne ferait que diviser, compartimenter et encourager la ségrégation. Autre constat : «Le XXe siècle nous aura appris qu’aucune doctrine (politique, religieuse, etc.) n’est, par elle-même, nécessairement libératrice, toutes peuvent déraper (…) Personne n’a le monopole du fanatisme et personne n’a, à l’inverse, le monopole de l’humain». (page 62). Dans certains pays, la situation identitaire est plus grave que dans d’autres, «mais partout se fait sentir la nécessité d’une réflexion sereine et globale sur la meilleure manière d’apprivoiser la bête identitaire». L’auteur arrive cette conclusion : «Il faudrait faire en sorte que personne ne se sente exclu de la civilisation commune qui est en train de naître, que chacun puisse y retrouver sa langue identitaire et certains symboles de sa culture propre, que chacun, là encore, puisse s’identifier, ne serait-ce qu’un peu, à ce qu’il voit émerger dans le monde qui l’entoure, au lieu de chercher refuge dans un passé idéalisé. Parallèlement, chacun devrait pouvoir inclure dans ce qu’il estime être son identité, une composante nouvelle, appelée à prendre de plus en plus d’importance au cours du nouveau siècle, du nouveau millénaire : le sentiment d’appartenir aussi à l’aventure humaine.»
K. B.
bakoukader@yahoo.fr
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/11/03/article.php?sid=140993&cid=16
3 novembre 2012
Kader Bakou