Selon les textes, la délivrance de ce document est pour faciliter les voyages pour certaines fonctions spéciales et éviter aux détenteurs les pressions des pays hôtes. Il n’est pas délivré pour assurer l’impunité mais pour protéger le missionnaire. Du coup, il est délivré au concerné, son épouse et ses enfants avant la majorité. Ceci grosso modo car les conditions de délivrance sont différentes d’un pays à un autre, d’un régime à un autre et d’une dictature à une autre et d’une humeur à une autre. En Algérie, certains élus ont leurs passeports VIP rouges. D’autres non. Le document est comme le quota princier en logements sociaux de certains walis. Il est délivré aux amis, proches, parents, favoris. Du point de vue international, il n’assure pas l’immunité comme on le croit car « c’est un fantasme » juridique selon les spécialistes en droit. Mais en interne, c’est le signe de la grâce. Un conseiller connu aurait été dernièrement refoulé de l’aéroport d’Alger alors qu’il est détenteur d’un passeport diplomatique depuis Chadli : signe de disgrâce donc.
Août dernier donc, Bouteflika a décidé d’élargir la liste des passeports rouges : ils sont octroyés aux anciens du régime, proches, amis, conseillers, hauts fonctionnaires, mais aussi à leurs épouses et enfants. « Sauf que les gens ont parlé de Nezzar et pas du reste » nous confiera un ancien très haut cadre au gouvernement. Explication : après les déboires judiciaires de l’ancien ministre de la Défense à cause d’une plainte en Suisse, ce texte a été signé pour assurer dit-on l’immunité aux anciens militaires algériens. « Faux » nous dit-on. L’essentiel est ailleurs : il est dans le mot « collatéraux » dans ce décret. Selon les us, le passeport est accordé aux fonctionnaires et dignitaires du régime et à leurs épouses et enfants jusqu’à la majorité. Le nouveau texte ajoute le mot « collatéraux » : alias frères et sœurs. Du coup, la famille du passeport rouge se retrouve multipliée par six : elle implique désormais les frères, sœurs et leurs enfants. Alias la fratrie. On aura compris.
Le drame n’est pas là cependant. Il est dans le fait qu’un lien de sang permet d’avoir un passeport rouge qui représente un pays et un Etat et le mandat électoral non. On peut représenter une personne et avoir le poids de cent élus et de 2 millions de km². Le Makhzen gagne du terrain sur le concept de « l’institution » qui perd jusqu’à ses chaussures après son pantalon. Etre élu n’est pas reconnu comme métier mais être « frère de » est une profession donc.
31 octobre 2012
Kamel Daoud