Éditions du Seuil (182 pages)
« Au cœur de la forêt régnait un roi despote appelé Hediala. Chaque matin, la malignité de ce roi produisait de quoi faire bouillir d’angoisse la cervelle de ses sujets »… Ainsi commence un conte peul intitulé Le roi et le fou, l’un de ceux qu’a recueilli Amadou Hampaté Bâ durant sa longue vie (1901-1992). Tous ceux, et ils sont nombreux, qui ont dévoré les mémoires et récits picaresques de cet homme de lettres orales connaissent son gigantesque talent de conteur – à lire absolument : Amkoulel enfant peul, Oui mon commandant ! et L’étrange destin de Wangrin. On le retrouve dans cette sélection de récits réalisée à partir d’ouvrages divers – il s’agit en quelque sorte d’un best of ! – par Henri Gougaud. La collection « Sagesse des contes » lancée par ce dernier, qui s’y connaît en matière de contes et de légendes, est une succession de petits bijoux. De par la qualité des textes, mais aussi par le soin apporté à leur présentation. Ce sont en effet des livres de poche recouverts de toile. Faits pour accompagner les lecteurs dans leurs courts ou longs voyages, ils sont très solides. À l’intérieur, ce n’est pas mal non plus. Ici, de nombreuses photos illustrant les histoires montrent des masques et des objets sculptés d’une grande beauté. Extrêmement savoureux, chaque conte est porteur d’enseignements et se conclut par une morale imparable. Il ne s’agit pas de prêchi-prêcha, mais d’incitations souvent drolatiques à admettre de confondantes vérités. Ainsi le despote mentionné ci-dessus sera, pour des raisons qu’on vous laisse découvrir, ramené sur terre par une baffe monumentale. Et quand la sagesse des contes d’Afrique – plus précisément d’Afrique de l’Ouest – ne porte pas sur des questions de morale, elle tend à expliquer des mystères sur lesquels tout un chacun s’interroge. « Savez-vous pourquoi l’homme de bien est souvent l’époux d’une femme sans mérite et la femme vaillante l’épouse d’un bon à rien ? » Réponse page 99 et suivantes !
Par Michel Doussot
Hamadou Hampâté Bâ est l’auteur africain le plus souvent cité pour sa phrase : « En Afrique, quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle ». Il est né en 1901 au Mali en Bandiagara et il est mort en 1991. Disciple de Tierno Bokar, il a consacré sa vie à sauver de l’oubli les trésors de la tradition orale du monde peul. Son œuvre écrite est considérable, son activité inlassable ; d’importantes responsabilités lui ont été confiées dans l’administration, dans la diplomatie de son pays, à l’UNESCO. Il est pour l’Afrique noire le gardien de la mémoire, de la tradition orale qu’il a bien souvent couché sur papier et est devenu, de ce fait, le défenseur vigilant d’une civilisation si longtemps méconnue.
Né avec ce siècle à Bandiagara, au pied des falaises du pays Dogon, mort en 1991 à Abidjan, Amadou Hampâté Bâ, historien, écrivain, conteur, poète, penseur, frère des hommes, est surtout connu en France pour la lutte qu’il mena à l’UNESCO, de 1962 à 1970, en faveur de la réhabilitation des traditions orales africaines en tant que source authentique de connaissances et partie intégrante du patrimoine culturel de l’humanité.
27 octobre 2012
Amadou Hampaté Bâ, Auteurs Africains