Ceux qui s’attendaient à quelques révélations seront sans doute déçus. Le premier tome des mémoires de Chadli Bendjedid sort mercredi 24 octobre en librairie. Le livre, intitulé sobrementChadli Bendjedid, Mémoires, Tome 1: 1929‑1979, risque de ne pas satisfaire la curiosité des lecteurs sur de nombreux sujets, particulièrement les plus importants. Initialement, l’œuvre devait sortir il y a deux ans. Mais la date de parution a été reportée à plusieurs reprises et le contenu modifié autant de fois. Au final : un livre à l’image du personnage qui vient de disparaître. Il ne devrait pas faire grand bruit.
Le ton est donné dès les premières lignes du récit. « J’ai élagué volontairement certaines questions dont l’évocation pourrait être interprétée comme une attaque contre des personnes ou quelque règlement de compte », explique l’ancien président Chadli Bendjedid dans son livre. Au fil de plus de 300 pages, Chadli Bendjdid ne dit rien sur les personnalités importantes.
Il ne cite Abdelaziz Bouteflika qu’au détour de certains paragraphes et ne s’attarde aucunement sur les rapports qu’il entretenait avec lui. Il ne livre pas non plus de détails sur ses relations avec le général‑major à la retraite Khaled Nezzar. Plus surprenant, l’ancien président ne s’attarde pas davantage sur son accession à la magistrature suprême en 1979, après la mort de Boumediene et la lutte au sein du pouvoir qui a précédé cette désignation.
En revanche, il revient longuement sur son parcours pendant la Guerre de libération, les conflits internes ayant commencé au lendemain du congrès de la Soummam, les ambitions personnelles de certains dirigeants de la révolution engagés dans une course au pouvoir, sur le parcours de Benbella et surtout sur son amitié et la relation de confiance qu’il entretenait avec Houari Boumediene.
« Boumediene n’agissait jamais en despote »
Chadli Bendjedid dresse un portrait fort élogieux de Houari Boumediene. Il évoque un homme « introverti », « taciturne » mais croyant, « pudique », qui « écoutait plus qu’il ne parlait », qui « ne prenait jamais de décisions hâtives ». Un homme qui a été « fidèle à ses principes d’humilité depuis le maquis jusqu’à sa mort ». Selon Chadli, Boumediene était aussi un responsable qui ne dirigeait pas seul. « Boumediene n’agissait pas en despote ». Il demandait « toujours l’avis de ses collaborateurs avant de trancher ». Boumediene était quelqu’un qui n’hésitait pas à se remettre en cause : « Boumediene réfléchissait sérieusement à des changements radicaux dans la politique agricole, l’industrialisation et les nationalisations. Il m’a même confié, plusieurs fois, qu’il avait regretté ces choix ».
Les relations qu’il entretenait avec lui étaient empreintes de « respect » et de « confiance ». « Il ne doutait jamais de mon abnégation et de mon amitié », assure Chadli qui se présente au fil des mots comme l’un de ses plus proches confidents. « Boumediene aimait à se confier à moi et me parlait de choses intimes, bien qu’il ne fût pas habitué à parler de sa vie privée ».
« Benbella fuyait ses responsabilités »
Chadli Bendjedid consacre tout un chapitre au « redressement révolutionnaire » de juin 1965 auquel il avait pris part. Un coup d’État, « planifié longtemps avant sa survenance », au vu des évidents et profonds désaccords entre Houari Boumediene et Ahmed Benbella, qui « fuyait ses responsabilités et imputait […] aux militaires le drame de la guerre des frontières et l’embourbement de l’armée en Kabylie ». « Mauvaise gestion des biens nationaux, gaspillage, instabilité, démagogie, chaos, mensonge […] ». C’est ainsi que Chadli résume le bilan du président Benbella.
Chadli Bendjdid évoque brièvement la situation au sommet de l’État après le décès de Houari Boumediene. « Sa disparition donna lieu à une lutte sans merci pour sa succession qui faillit faire vaciller l’État ». Sans citer de noms, il indique que « certains ont essayé d’exploiter la tenue du congrès de la jeunesse pour se faire élire, d’autres ont carrément recouru au soutien de pays étrangers, d’autres encore se sont engagés dans des alliances contre nature ». Mais Chadli, affecté par la perte d’un « compagnon » et d’un « ami très cher », n’était pas intéressé par le pouvoir.
À la fin du livre, Chadli Bendjedid défend en quelques lignes les réformes qu’il avait lancées. « Ce que j’ai entrepris, c’était la réforme d’un système qui était dans l’impasse et qui n’était pas imputable au seul chef de l’État ». Il se dit indigné d’être accusé d’avoir voulu « effacer les traces de l’ère Boumediene ». « Ceux qui tiennent de tels propos sont ceux qu’on appelle « les barons du système », à qui la situation a longtemps profité, et une minorité de gauche qui a essayé de me faire changer, sans y parvenir ».
Chadli Bendjedid, Mémoires, Tome 1 : 1929‑1979
Editions Casbah
332 pages
1 200 DA
25 octobre 2012
Chadli Bendjeddid