Deux dernières raisons ? Oui : cela coûte moins de pirater que d’acheter et ensuite c’est hallal de voler un voleur dit le diable : l’Occident et Hollywood. C’est dire et écrire que quand on détruit un million d’œuvres piratées, c’est toujours bien. Reste qu’il faut les remplacer par des cinémas (qui appartiennent étrangement au ministère de l’Intérieur et pas à celui de la Culture !), de la vie nocturne, du «hallal», de la création, de l’éclairage de nuit, de la vie. Et cela est l’œuvre majeure de tout pays qui veut remplacer les œuvres piratées. Tout cela pour dire ce que l’on sait : le piratage est une conséquence de l’ennui et un produit dérivé du butin.
Reste le slogan. «Halte au piratage des œuvres : barakat !». Il est étrange. On peut le lire comme un slogan de l’ONDA ou comme un slogan revisité du FFS ou comme un slogan des premières années de l’indépendance contre Ben Bella. On peut penser qu’il a été écrit et créé par le GPRA par exemple et que c’est Ferhat Abbas qui aurait dit «Halte au piratage des œuvres : barakat !». L’indépendance est une œuvre nationale piratée comme chacun le sait, le sent et l’écrit et le répète au moindre feu rouge cassé ou policier mal habillé dans un aéroport algérien. Et c’est sans fin : l’Indépendance est une œuvre collective piratée par un groupe minoritaire. Mais la destruction de cette œuvre piratée n’est pas une lutte contre la piraterie et le piratage. Paradoxe politique. Ce qu’il faut, c’est détruire le piratage pas l’œuvre car elle est originale. On aura compris mais il fallait préciser la nuance majeure. L’indépendance est une œuvre originale, tout le reste est piratage.
«Halte au piratage des œuvres : barakat !» est donc un bon slogan. Pour l’histoire, pour les prochaines élections des maires. Pour la présidentielle de 2014. Pour revisiter le passé et pour éclairer les couloirs du ministère des anciens moudjahiddines et pour revoir le fichier nominatif des anciens combattants. C’est un slogan magnifique que l’on peut utiliser pour presque tout.
Il faut donc lutter contre le piratage. Culturel, d’œuvres, de création ou de légitimité. Cela va ensemble. Le geste de ne pas acheter une œuvre volée repose sur une morale qui doit être totale. Certains ont choisi un jour de pirater les mémoires du général tortionnaire français Aussaresses, tueur de Larbi Ben M’hidi. Le principe était qu’on ne doit pas verser des droits d’auteur à un criminel. On ne peut pas être auteur d’un crime et d’un livre à la fois. Possible. Les mémoires de Chadli vont bientôt sortir. Peut-on les pirater ? La question est posée sauf que Chadli n’est pas l’auteur des crimes commis sous son règne, ni auteur du livre écrit en son nom. A creuser.
19 octobre 2012
Kamel Daoud