Avec deux passions à son arc : la peinture et la poésie, Abdelkader Boubouche passe le plus clair de son temps à peindre et à écrire. A défaut de moyens, il étale sa peinture sur n’importe quel support. Plusieurs centaines de tableaux il les a faits sur du papier journal groupé ; avec deux styles majeurs, l’abstrait et le semifiguratif. Des centaines de poèmes éblouissants écrits en langue française et en arabe classique. Telles ses toiles, ses textes expriment des interrogations, angoisses et quêtes. Mais qui est cet artiste ?
Cet artiste né en 1955, un an après le début de la guerre de Libération algérienne, avait vécu une enfance difficile. Issu d’une famille pauvre comme toutes les autres, il fait l’école primaire en son village natal à Ath Melikeche (…) Abdelkader eut son BEM et rejoint le centre de formation de l’administration à Béjaïa où il découvre, en parallèle de sa formation, une ville d’artistes. Il tournait entre le théâtre, les librairies et la cinémathèque où il découvre la littérature et l’art qui deviendront une obsession par la suite. Après des années d’études dans cette école pour avoir un diplôme qui ne lui servira que pour quelques mois de travail dans l’administration, il s’inscrit à l’Ecole des beaux-arts d’Alger. Etudiant à l’Ecole des beaux-arts d’Alger, il participe à plusieurs expositions collectives et individuelles aux quatre coins du pays ; il collabore à la réalisation de panneaux à Blida et Bousmaïl, et à la réalisation de sérigraphies d’après un poème de Laghouati avec Denis Martinez, Larbi Arezki, Hamadouche et Ould Mohand. Abdelkader Boubouche fut diplômé en 1982.
En attendant l’oiseau bleu…
En quête d’art et d’histoire, il débarque en France et s’installe à Marseille. Il étudie chez le célèbre critique et historien d’art Marcelin Pleynet, puis avec les peintres Joël Karmatec et Christian Jacquard à l’Ecole des beaux-arts de Luminy à Marseille où il obtiendra le diplôme national supérieur d’expression plastique en 1985. C’est dans cette ville historique, capitale de la méditerranée et lieu de rencontre entre les différents artistes et émigrés des deux rives qu’Abdelkader Boubouche a forgé son esprit. «La bibliothèque communale de Marseille était mon lieu de refuge et de méditation», disait-il. En France, il expose pour la première fois à la mairie du 9e arrondissement à Marseille avec Valérie Gonzales et Joëlle Lasne «encore élèves de l’école de Luminy, ils ont voulu sortir du “cocon” sécurisant que constitue l’école et se jeter à l’eau. Pour s’affirmer, se reconnaître, peut-être aussi parce que le regard des autres est nécessaire à leur cheminement artistique», écrivait le journal Le Provençal de l’époque. Puis, il tient une exposition collective à Montpellier organisée par l’Ecume sous le thème «peintres du Maghreb et d’ailleurs» avec la participation des plasticiens du Maghreb dont la Tunisienne Aïcha Filali, doctorat d’esthétique à l’ITAAUT, Amor Kraim, diplômé de l’Institut tunisien d’arts d’architecture et de l’urbanisme et aussi la Marocaine Meryem El Alj et l’ancien professeur des beauxarts d’Alger Malek Salah. Abdelkader Boubouche reste en France jusqu’en 1991, l’année où l’Algérie fonce dans la guerre civile. Par devoir et principe, il rentre au pays vivre entre ses compatriotes qui connaissaient la terreur islamiste. Les gens innocents meurent, les journalistes, intellectuels et artistes étaient parmi les cibles visées par les terroristes. L’art dégringole, les lieux culturels sont désertés par le public ; les théâtres et les salles de cinéma ferment ; ce qui a engendré une dépression dans le milieu artistique et intellectuel. Les artistes commencent à quitter leur pays et débarquant en Europe, sauvant leur peau de la menace islamiste. «J’étais si fragile et si touché par ce qui se passait en Algérie que je ne pouvais point regarder la télévision ou feuilleter les journaux. Une situation qui me versait dans la dépression», dit-il. Les citoyens, dans une Algérie où la situation est critique, ne s’intéressaient plus à l’art. Abdelkader Boubouche arrêta de peindre et d’écrire en se laissant emporter par sa dépression jusqu’en 1998, année où il retourna, à nouveau, en France où il reste une année. Indifférent toujours, il choisit de revenir chez lui déclamant sa situation en écrivant «qu’attends-tu étrange étranger ?/j’attends l’oiseau bleu qui viendrait du désert vert/et quand viendra-t-il ?/quand je cesserai de l’attendre ?…» Il s’éloigna de ses amis artistes et du milieu culturel en s’isolant chez lui à Tazmalt après une désespérante recherche d’un poste d’enseignement dans son métier. Il fallait attendre plus de douze ans de rupture pour qu’il se réconcilie avec lui-même et sa plume qui se manifestait terriblement en se retrouvant avec l’artiste peintre Meziane BoussaÏd qui l’invite à participer à son initiative, une exposition locale de peintures. Abdelkader Boubouche accepte d’y participer en annonçant son retour avec le thème «Expression de visage» tenu durant le mois de Ramadan de 2011 à Tazmalt avec la participation d’autres artistes. Depuis, le sourire d’Abdelkader Boubouche est enfin revenu et sa plume ne cesse de peindre et d’écrire. En une année, il étale plus de 800 œuvres de peinture qui n’attendent qu’à être exposées, et un tas de feuilles consignées de poésie. Actuellement, il participe au Salon national des arts plastiques d’Alger en attendant qu’il se rende, dans les jours à venir, à Sidi-Bel-Abbès où il participera à un travail d’atelier d’arts plastiques avec Meziane Boussaïd et Messaoud Behloul. Une initiative organisée par l’association Bessma.
Bibliographie :
Algérie Actualité, 14-20/05/1981.
Le Provençal de Marseille. Journal des patriotes socialistes et républicains, 26/04/1985.
Mémoire d’études «la peinture algérienne» de Véronique Liorens.
El Watan, 31/08/2011 et 01/09/2011.
Liberté, 02-03/09/2011.
Le dictionnaire des artistes algériens, 1917-2006 de Mansour ABROUS, éditions l’Harmattan.
Diwan El Fen, de Djamila Flici-Guendil, éditions Enag/Anep.
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/10/10/article.php?sid=140114&cid=49
11 octobre 2012
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