Du coup, l’image ambiguë de cet homme : sous son règne on a réprimé et tué, en Kabylie pour le printemps berbère et partout pour octobre 88. Mais Chadli, à cause de ce divorce entre pouvoir réel et pouvoir apparent, ne semble pas «coupable» entièrement aux yeux de beaucoup d’Algériens. Il a tué mais n’a pas commis de crime. Paradoxe algérien : les événements d’octobre sont dits «printemps» algérien mais Chadli n’est pas dictateur de cette époque alors que tout printemps suppose un dictateur qui gagne ou qui perd. D’où la première arnaque de l’histoire algérienne moderne : les enfants d’octobre voulaient «dégager» le système, le système a dégagé Chadli et on a été trompés et roulés. Octobre est qualifié de «révolution» avant l’heure mais en même temps Chadli est dit grand ami par Bouteflika. Pour certains, Chadli a fui comme Ben Ali, aurait dû être jugé pour tirs sur manifestants comme Moubarak et a été lynché (médiatiquement) comme Kadhdafi et est parti en VIP comme Ali Salah du Yémen. Pour d’autres, non : il a tenté de démocratiser un système qui a fini par se retourner contre lui et il a été le premier à payer l’équation insoluble entre islamistes et respect du choix des urnes. D’ailleurs, effet curieux de l’histoire, Boumediene a été fasciné par Nasser l’Egyptien là où le général Tantaoui l’Egyptien (et ses militaires) ont été fascinés par la solution algérienne de 1992 face au cas Moubarak.
Et nous dans cette affaire ? Rien. On ne nous dit rien. Pas de devoir de mémoire ni d’obligation d’expliquer et de s’expliquer. Ces gens-là partent un à un sans rien nous dire sur ce qu’ils ont fait ou pas fait de notre pays, qui les a tués, qui ils ont tué. Entre eux, en club fermé et cercle sourcilleux et maquis assis. Question de fond : cet homme est-il coupable ? Réponse : oui. Avec nos condoléances aux siens et aux victimes d’octobre et du printemps berbère.
8 octobre 2012
Chadli Bendjeddid, Kamel Daoud