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Mémorandums et projets mixtes comme leurres (7e partie) Par Ali El Hadj Tahar

7 octobre 2012

AlI EL HADJ TAHAR

Contribution : QATAR

Le Qatar est-il sincère lorsqu’il signe à tour de bras des mémorandums d’accord ? Peut-il convaincre l’entreprise allemande Volkswagen dont il ne détient que 17% des parts de créer une usine en Algérie ? Le fonds souverain qatari a des critères d’investissement peut-être plus draconiens que ceux de Volkswagen, dans le but de faire bénéficier le pays de rendements et avantages extrafinanciers (transfert technologique, partenariats stratégiques…).
Le Qatar Investment Authority (QIA) vise à accroître le poids et l’influence du pays sur la scène internationale. Il est géré comme un outil complémentaire de sa diplomatie et d’une volonté de partager le savoir-faire technologique des pays développés, car ce n’est pas pour rien que Doha investit massivement en France, en Angleterre et dans d’autres pays occidentaux, également en vue de tisser des liens solides de réciprocité et d’interdépendance avec des partenaires de poids. D’où les actifs dans des entreprises comme EADS, Hochtief (9,1%), Volkswagen (1%), Iberdrola (6.1%), Veolia Environnement ou Vinci, sans parler des entreprises du secteur des hydrocarbures… Les liens d’arabité ou d’islamité n’ont donc aucune importance pour les décideurs du QIA qui est présidé par le fils de l’émir mais géré par des experts. Lors du Forum international sur l’investissement à Doha, le 21 avril 2012, des responsables africains et de l’ONU ont demandé aux fonds souverains internationaux — riches de quelque 5 000 milliards de dollars — à investir dans les pays en développement. Investir n’est pas une opération de bienfaisance, a presque osé rappeler M. Hussein Al-Abdalla, responsable au sein du QIA : «Nous avons besoin de transparence, d’efficacité (…) Nous sommes prêts à investir mais les gouvernements doivent avoir des politiques claires qui attirent les investissements», a-t-il dit, sans omettre de souligner que la corruption est une entrave majeure en Afrique. Or, l’Algérie est sise dans ce continent gangrené par ce fléau, avec un climat d’affaires peu favorable : elle figure d’ailleurs au 148e rang sur les 183 pays étudiés dans le rapport «Doing Business 2012» de la Banque mondiale. En outre, le groupe émirati Emaar qui devait réaliser quatre projets d’un montant de 5,5 mds $ dans notre pays s’est récemment désisté. Vu les projets d’Emaar pour Alger, nous disons «tant mieux !» car ils allaient défigurer la capitale, massacrer sa personnalité architecturale et en faire une banale ville à gratte-ciels dans un style bâtard en vigueur dans les pays du Golfe et les pays sans histoire architecturale. Ce style architectural dit «international» est d’une banalité affligeante et n’est point compatible avec une ville aussi belle qu’Alger. D’ailleurs, Marseille, Athènes, Alexandrie, Le Caire, Nice, Rome, Barcelone et des dizaines d’autres villes méditerranéennes tiennent à leur cachet architectural, pour préserver ce que Fernand Braudel appelle «les superpositions de civilisations». Quand l’Algérie accueille des demandes d’investissement, elle ne les fait même pas expertiser par ses compétences nationales : voilà des Emiratis pour nous faire des villes, et des parcs des Grands- Vents avec l’argent des banques algériennes ! Les Qataris, quant à eux, continuent de promettre… Au sujet de la société d’investissement mixte prévue dans le mémorandum d’accord algéro-qatari : pourquoi le Qatar s’embarrasserait-il d’un pays pour lui apprendre à investir ? L’Algérie n’a-t-elle pas des économistes et des financiers pour placer son argent par elle-même ? Pourquoi mettre les billes algériennes dans le même sac que ce pays avec qui nous n’avons aucune affinité culturelle, diplomatique, stratégique, économique ? L’Algérie a acquis pour 50 milliards de dollars en bons de Trésor américain qui ne rapportent rien mais il n’est pas trop tard pour mettre nos fonds dans des actifs et participations en Algérie ou à l’étranger, mais en solo. «Les placements en T-Bonds (bons de trésor américains), c’est ce qui reste quand on ne sait rien faire d’autre», a dit un financier algérien à un quotidien national. Ces T-Bonds au rendement zéro suscitent cette question chez le professeur Abderrahmane Mebtoul : pourquoi continuer «à privilégier la sécurité des placements même si le rendement est faible, voire négatif, ce qui équivaudrait que l’Algérie finance le développement d’autres pays et pourquoi alors continuer à épuiser les réserves d’hydrocarbures ?»(1). Le Qatar détient à peine pour 4 milliards de dollars en T-Bonds. Or, l’Algérie à elle seule détient presque le 1/5e des bons du Trésor US détenus (50 milliards sur les 261) par les seize pays exportateurs de pétrole — Arabie Saoudite, Venezuela, Libye, Iran, Irak, EAU, Bahreïn, Koweït, Oman, Qatar, Equateur, Indonésie, Algérie, Gabon et Nigeria ! N’importe quelle ménagère sait placer son argent. Or, notre gouvernement demande l’aide du Qatar alors que des milliers d’Algériens sont prêts à lui offrir leur expérience si tant est que les milliers de cadres du ministère des Finances ne suffisent pas à Monsieur Djoudi. Depuis 2010, un pays handicapé attend donc que Doha vienne lui apprendre à acheter des actions ! Si l’Algérie est incapable d’investir seule alors pourquoi ne pas s’allier avec le fonds souverain d’Abu Dhabi qui, avec près de 500 milliards de dollars, est beaucoup plus important et surtout plus discret que celui du bruyant Qatar ? D’ailleurs, Doha ne tardera pas à donner une preuve d’égoïsme contraire à la prétendue volonté de créer une «société mixte d’investissement algéro-qatarie». Le 11 septembre 2012, le Premier ministre qatari arrive encore à Alger, apparemment pour la question malienne dont il n’échappe à personne qu’il en est partie prenante depuis quelques mois, le financement qatari des groupes terroristes n’étant plus un secret. Ici les promesses accompagnent souvent des complots. Parlant du Qatar, Denis Bauchard, de l’Institut français des relations internationales(2) a dit : «Leur stratégie d’investissement est marquée par une volonté de puissance politique.» «Ce sont des acteurs économiquement irrationnels», avertit Bertrand Méheut, le patron de Canal +, qui s’est fait souffler une bonne partie des droits de diffusion du foot français par Al Jazeera(3). «Ce qui est vrai, c’est que, lorsqu’il s’agit de placer leurs gazodollars à l’étranger, les Qatariens cherchent un profit politique et une caisse de résonance médiatique», écrivent Béatrice Mathieu et Géraldine Meignan dans L’expansion du 29-02-2012. Avis donc aux amateurs qui croient avoir affaire à un enfant de chœur… Face à l’immobilisme algérien qui donne l’impression d’un pays à la dérive, une sorte de navire fantôme qui erre sans but, le Qatar fait preuve de beaucoup de dynamisme. Mais comment ce petit pays peut-il courir plusieurs lièvres à la fois et avoir plusieurs casseroles sur le feu alors qu’avec toutes ses compétences, l’Algérie est un pays sur la touche ? «Arfaâ rassek ya ba», avait dit Bouteflika en 2009 : c’est le contraire qui se passe, l’Algérie et les Algériens sont déconsidérés, y compris par une insignifiante Suisse qui s’attaque à un général algérien et un Qatar qui change les chefs d’Etat à nos frontières ! N’importe quel pays disposant d’un bon matelas financier et d’un tout petit peu de sagesse aurait pu concrétiser les réalisations de Doha. Le Qatar n’a ni les cadres ni les richesses de l’Algérie ; et d’innombrables entreprises à travers le monde ont besoin de liquidités : quel besoin de s’allier avec Doha ?

Une alliance pour se détourner des principes
D’ailleurs, le pays qui abrite l’exil doré d’Abassi Madani et lui finance une chaîne de télévision spécialisée dans les appels au meurtre peut-il être crédible ? Le pays qui finance nos partis politiques au mépris des lois nationales peut-il l’être ? De plus, infime est la taille de nos échanges économiques avec un pays qui veut imposer son humeur. La planète est suffisamment vaste pour nous d’aller vers des partenaires moins voyants afin de participer en même temps à asseoir le nouveau monde qui se dessine sous nos yeux et qui ne sera probablement pas sous le monopole américain pour lequel Doha se bat désespérément à travers complots et déstabilisations. Pourquoi ne pas rejoindre les Brics et se repositionner au sein du mouvement des Non-Alignés où la visibilité de l’Algérie était presque nulle lors du dernier sommet de Téhéran ? Suivre le Qatar de Hamad, c’est obligatoirement se détourner des principes qui ont fait la fierté et la réputation algériennes. Boudiaf voulait rompre nos relations diplomatiques avec certains pays du Golfe qui soutenaient le terrorisme et qui, aujourd’hui, complotent encore dans notre dos pendant que nous leur faisons des salamalecs. Pourtant, aussi bien le RND que le FLN ainsi que d’autres partis politiques ont utilisé l’argument de la menace étrangère durant les élections électorales, certains accusant nommément des pays du Golfe. Maintenant ils font comme si de rien n’était alors que Hamad envoie au Mali des officiers déguisés en agents humanitaires du Croissant-Rouge qatari. Le monde arabe a fait beaucoup de révolutions. Aujourd’hui, il appelle révolutions les contre-révolutions de ce «printemps arabe» qui le mènent à la régression — dite féconde et espérée par des théoriciens américains et français. Le monde arabe n’a pas conscience des enjeux de l’histoire comme il n’a pas conscience des voies justes et des voies dangereuses qui mènent aux périls et aux impasses. Il ignore la signification du terme fascisme et ne sait même pas que l’islamisme amène le poison de la fitna, qui tue à petit feu les germes même de l’intelligence et du savoir. En ôtant les libertés à l’homme, il supprime toute forme de justice ; et sans justice il n’y a pas de paix ni de prospérité. Les islamistes vivent à la marge de l’histoire, ils veulent vivre le passé au lieu d’assumer le présent. Le Qatar est le véhicule qu’ils chevauchent pour arriver à leurs fins. L’après-guerre froide et la dislocation des démocraties populaires de l’Europe de l’Est en passant par l’éclatement de l’URSS ont autorisé un ordre unipolaire dominé par les Etats-Unis, exclusivement. L’ordre bipolaire permettait la protection des pays faibles, mais depuis une vingtaine d’années, la Russie et les autres puissances n’ont aucune voix. C’est dans ce contexte fragile que les Etats-Unis ont voulu imposer leur Nouvel Ordre mondial, devenu Grand Moyen-Orient, avec le dessein d’imposer leur mainmise sur les ressources pétrolières et leurs routes et sécurité, d’assurer la sécurité d’Israël, d’affaiblir les nations arabes et musulmanes et surtout de balkaniser l’Irak, la Syrie et l’Iran. Tout en affaiblissant davantage les puissances asiatiques, Inde, Chine et Russie comprises. Les conflits et changements issus des «printemps arabes» entrent dans ce plan qui a utilisé la «démocratie» comme couverture. Le Qatar et l’islamisme ont été des outils précieux, récompensés en actifs et participations de toutes sortes et dans tous les sens des termes.
A. E.-T.
(A suivre)
Note : 1. In le quotidien national Réflexion du mardi 21 août 2012.

Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/10/07/article.php?sid=140004&cid=41

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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